dimanche 21 août 2011

Fresh Kills, la plus grande décharge deviendra le plus grand parc de New York


À New York, la plus grande décharge urbaine du vingtième siècle est en passe de devenir un gigantesque parc public, alimenté aux énergies renouvelables et riche d'une biodiversité renaissante. Mais sous la couverture végétale, les déchets, parfois toxiques, demeurent.

New York, 2040. Sur les hauteurs de Staten Island, les éoliennes tournent à plein régime. À leurs pieds s'étale le plus grand jardin public de la Grosse Pomme, Fresh Kills Park. Trois fois la superficie de Central Park, de quoi détrôner un mythe. 2 200 hectares de forêts vallonnées, de prairies, de rivières, de petits recoins de verdure en tout genre. Des centaines d'espèces végétales et animales. Et des terrains de jeux à perte de vue. Les promeneurs foulent par milliers ce parc, emblème verdoyant de la renaissance New-yorkaise post-11 septembre. Pourtant sous leurs pieds, enfouies à des dizaines mètres de profondeur, se décomposent des milliers de tonnes de déchets.

Une gigantesque décharge enfouie sous un plateau de verdure

Pour l'heure, Fresh Kills évoque surtout, chez les New yorkais, le nom de la plus grande décharge urbaine américaine de ces cinquante dernières années. Ouverte à titre provisoire en 1948, elle recçoit jusqu'au milieu des années 80 près de 29 000 tonnes de déchets chaque jour. Mais en 1997, les protestations des riverains, qui ne supportent plus le balai des camions poubelles, portent leurs fruits. Deux des quatre monticules de déchets sont définitivement recouverts d'une couche de terre imperméable et « rendus à la nature ». Deux autres monticules  restent eux en activité jusqu'en mars 2001, date à laquelle Fresh Kills ferme ses portes. Avant de les rouvrir au lendemain du 11 septembre. Les gravats et poussières du World Trade Center sont alors acheminés des jours durant sur le monticule ouest de la décharge, qui verra ensuite défiler de nombreux agents du FBI et proches des victimes, en quête d'indices et de souvenirs.

Refermer les plaies du 11 septembre et faire de cette zone macabre le symbole d'une renaissance écologique de la ville, voilà donc l'objectif ambitieux des promoteurs de Fresh Kills Park. Car la dimension du projet est à la hauteur du traumatisme vécu par les New-yorkais : les travaux sont prévus pour durer trente ans, avec une ouverture progressive du site. Le parc sera divisé en cinq zones à thème, avec des espaces entièrement dédiés à la nature (prairies, pépinières, forêts, zones humides et sentiers de promenades), d'autres consacrés à des activités sportives (terrains de foot, de golf, de tir à l'arc, parcours équestres et cyclistes, circuits de course à pied). Une partie du site abritera des installations artistiques et des espaces culturels. Et bien sûr, un mémorial en l'honneur des victimes du 11 septembre trônera au sommet du monticule ouest.

L'alimentation énergétique du site sera quant à elle assurée par l'installation d'un parc d'éoliennes et de panneaux photovoltaïques. Car Fresh Kills Park est conçu pour être à la pointe des jardins publics écologiques : récupération des eaux de pluies, toilettes sèches, traitement et valorisation des eaux usées, restauration de la biodiversité. Tout est mis en œuvre pour minimiser l'empreinte carbone du site...Du moins en surface. Car sous les pieds des promeneurs, les déchets demeurent.

Quid des déchets ?

Certes, des systèmes de captages des lixiviats (liquides issus de la décomposition des matières organiques) permettront de valoriser le méthane en gaz de ville. De quoi économiser 12 millions de dollars par an sur les trois prochaines décennies, d'après le Département d'organisation de la gestion des déchets de New York. Certains sont d'ailleurs d'ores et déjà fonctionnels sur les deux monticules fermés en 1997, et alimentent en partie les quartiers limitrophes de la zone. Les monticules est et ouest, encore à l'air libre, seront recouverts de multiples couches de terre, selon un procédé complexe, pour assurer le drainage, la ventilation, la protection des sols de surface, et pour lutter contre l'érosion. Enfin, un système de contrôle rigoureux sera mis en place, avec 220 puits de contrôle des eaux souterraines, 12 stations d'eau de surface, 200 puits de gaz et tout un attirail d'appareils de mesures.

Mais quid des déchets potentiellement dangereux, qui plus est sur un site destiné à être largement fréquenté ? « Nous n'avons pas résolu la question des déchets, et nous ne prétendons pas le faire », reconnaît d'office Carnie Grassi, directrice d'étude de l'occupation des sols pour le projet Fresh Kills Park, dans une interview accordé à The Ecologist.

Pourtant, la liste des substances toxiques, notamment issues des débris du World Trade Center, à de quoi inquiéter. Comme le soulignait en 2007 un rapport de l'association Robins des Bois, intitulé « Déchets post-catastrophe, risques sanitaires et environnementaux », « l'effondrement des tours a réduit en gravats et poussières deux Boeing 767, 50 000 ordinateurs, 300 serveurs informatiques, des milliers de détecteurs de fumée radioactifs, 200 000 tonnes d'acier et un million de tonnes de béton. Une sous-station électrique contenant 493 tonnes d'huiles contaminées aux PCB a par ailleurs été ensevelie. » Président des Robins des Bois, Jacky Bonnemains, se souvient avoir été « choqué » de voir toutes ces substances ensevelies à la va vite au lendemain du 11 septembre. « Mais on ne peut pas leur demander de tout enlever aujourd'hui. Cela supposerait de remuer à nouveau tous ces gravats, et de rediffuser des quantités de poussières toxiques dans l'air ambiant. » Quant aux risques sanitaires, ils semblent finalement assez faibles au regard de l'activité de la zone. « Ces questions ont été balayées par des bureaux de consultants », explique Jacky Bonnemains. « A priori, les temps d'exposition des promeneurs seront suffisamment courts pour limiter les risques. » Et pour les salariés du parc ? « La question reste posée », répond Jacky Bonnemains. « De toute façon, on ne peut clairement pas parler de mise en sécurité du site. » Un parc écologique, donc, mais pollué.

Anne Farthouat

Novethic 

Cela me fait penser à l'appel a des paysagistes pour créer un paysage oxygénant dans le Cantal sur un cimetière radioactif :( 

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