Somaliens réfugiés dans un camp au Kenya. Crédit Reuters
Aujourd'hui, dans le monde, plus de gens ont accès au téléphone portable qu'à l'eau courante et à l'électricité. Une situation qui interroge : faut-il y voir l'omniprésence de la société de consommation ? Peut-être pas : le téléphone représente un vrai progrès pour ces gens en brisant définitivement leur isolement.
Aujourd'hui, dans le monde, plus de gens ont accès au téléphone portable qu'à l'eau courante et à l'électricité. Une situation qui interroge : faut-il y voir l'omniprésence de la société de consommation ? Peut-être pas : le téléphone représente un vrai progrès pour ces gens en brisant définitivement leur isolement.
Atlantico : Les chiffres de différentes enquêtes et études montrent qu’aujourd’hui, il y a plus de gens dans le monde qui ont accès au téléphone portable qu’à l’eau courante ou à l’électricité, qui semblent pourtant être plus vitales. Comment expliquer ce phénomène ?
Bernard Bachelier :
Le téléphone portable est un investissement privé. L’eau courante ou
l’électricité relèvent au contraire d’investissements publics. Cela
nécessite des réseaux d’infrastructures d’autant plus difficiles à
développer lorsqu’il faut alimenter des populations majoritairement
rurales souvent dispersées sur les territoires. C’est aussi pour cette
raison que l’accès à l’eau courante et à l’électricité sont pour
l’instant cantonnés aux pays riches et aux zones urbanisées des pays
émergents. Ce sont des endroits où le développement de ce type
d’infrastructures peut être rentabilisé. Encore un argument qui justifie
l’accès au portable d’ailleurs : les réseaux à mettre en place pour
couvrir le territoire sont très peu coûteux.
Ces populations qui n’ont pas accès à l’eau courante et à l’électricité ont-elles le même usage du téléphone portable que celles des pays riches ?
Au sein de FARM, une étude a
été menée sur l’accès de paysans burkinabés au téléphone portable. Nous
nous rendons compte, il est vrai, qu’il y a au sein des populations
rurales un fort taux de pénétration du téléphone portable. Il y a
cependant des limites : l’abonnement coûte cher. Ils fonctionnent donc
avec des cartes limitées en temps de communication qu’ils rechargent au
fur et à mesure. Nous sommes loin de forfaits illimités et l’usage reste
très circonscrit.
Le premier usage du
téléphone portable est un accès à l’information pratique quotidienne :
le transport, la banque, la santé, les contacts avec la famille… La vie professionnelle vient ensuite.
La principale utilité du téléphone portable, pour ces populations, est de rompre l’isolement dans lequel elles vivent.
Dans les campagnes, c’est un progrès considérable puisque les gens
accèdent dorénavant à toutes les informations dont je viens de parler.
Vous évoquez une utilisation professionnelle, pouvez-vous développer ?
Il
existe des flottes de téléphones portables qui sont utilisées par les
entreprises. C’est le cas pour les coopératives agricoles par exemple.
L’organisme diffuse alors des informations via ces téléphones portables,
notamment grâce aux SMS. C’est un outil qu’ils utilisent
énormément car il est peu coûteux. Ils donnent ainsi toute une série de
données sur les dates pour utiliser les engrais, sur les prix des
marchandises, sur les offres qui sont faites par leurs différents
interlocuteurs …
Il ne faut pas oublier
que la plupart des paysans dans ces régions n’ont pas accès aux journaux
et à l’information. Pour eux, c’est un moyen d’être moins victimes des
négociants lorsqu’il s’agit de négocier les prix sur ce qu’ils
produisent. Il n’y a cependant pas encore lieue de s’enthousiasmer
outre-mesure car ces outils en sont vraiment à leurs balbutiements et
cela fonctionne encore relativement peu. Certains pays
commencent à mieux s’en sortir dans ce domaine, c’est le cas de l’Inde
ou du Sénégal, notamment parce qu’ils bénéficient d’un taux
d’alphabétisation croissant qui reste une prérogative pour accéder à
l’information, y compris via les téléphones portables.
Le
cas de l’Inde est particulièrement intéressant pour une raison assez
simple : il y a beaucoup de paysans et il y a beaucoup d’informaticiens.
Ils développent donc des services originaux. Ils mettent en place des
plateformes d’information qui diffusent à la fois de l’information
technique et de l’information pratique. L’heure n’est pas encore à
l’émergence de sites dédiés à de l’information professionnelle. Nous
avons là des populations qui sont demandeuses de solutions utiles dans
leur quotidien, aussi bien professionnel que familial et social.
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