jeudi 18 avril 2013

CO2 : le Parlement européen garantit le droit à polluer…

Encore des décisions en faveur des pollueurs………

Le Parlement européen a sans doute donné, hier, le coup de grâce à un marché européen des quotas de C02 déjà fort mal en point.
Par 334 voix contre 315 et 63 abstentions, les députés, réunis à Strasbourg en session plénière, ont enterré la proposition de la Commission de geler 900 millions de tonnes de droits à émettre des gaz à effets de serre.

L’exécutif européen espérait ainsi stabiliser un marché du carbone en chute libre : entre 2005, date du lancement du «système communautaire d’échange de quotas d’émission» (SCEQE), et aujourd’hui, le prix de la tonne est passé de 30 euros la tonne à moins de 5 euros, ce qui n’incite évidemment pas les industries les plus polluantes à investir dans des modes de production plus respectueux de l’environnement. Mais, crise économique aidant, les députés n’ont pas hésité à sacrifier la politique climatique de l’Union, la plus ambitieuse du monde, sur l’autel des intérêts industriels.
Après le vote des eurodéputés, la tonne de carbone a chuté à 2,63 euros avant de remonter à 3 euros. «Mais elle va rapidement tomber à zéro, car il a trop d’offres de quotas par rapport à la demande», prédit Claude Turmes, un écologiste luxembourgeois spécialiste de l’énergie.  
Actuellement, il y a deux milliards de tonnes en excédent sur les 8,5 milliards de tonnes de droits à polluer disponibles dans l’Union et, même avec 900 millions en moins, cela n’aurait sans doute pas suffi à faire remonter son prix à 10-12 euros comme l’espérait la Commission.
Pour le Vert français Yannick Jadot, «c’est 1,4 milliard de tonnes» qu’il aurait fallu retirer tout en diminuant en même temps le plafond des émissions de CO2 pour sauver le système. «La proposition de la Commission était une mesure d’urgence en attendant de remettre à plat le SCEQUE après les élections européennes de 2014 et l’élection d’une nouvelle Commission», explique l’eurodéputé Claude Turmes.
Pourquoi le SCEQE, pierre angulaire de la politique climatique de l’Union, a-t-il failli aussi spectaculairement ? Au départ, l’idée est simple : toute entreprise qui émet du CO2 doit acheter des droits à polluer sur le marché et, s’il en possède en excédent, il peut les revendre. Évidemment, l’intérêt est de pousser les pollueurs à investir dans des énergies vertes afin de ne pas grever leurs coûts. Ainsi, les quotas se raréfieront tout en se renchérissant au fil du temps grâce au cercle vertueux ainsi mis en place. Quant aux fonds tirés de la vente, ils auraient dû permettre de cofinancer les investissements dans les énergies renouvelables et les nouvelles technologies comme la capture et le stockage du CO2.
Voilà pour la théorie. Mais pour ne pas handicaper ses 11.000 entreprises soumises à ce système, l’Union a décidé d’attribuer, dans un premier temps, des droits à polluer gratuits, celles-ci ne payant que le surplus. Ce n’est qu’à partir de cette année que la moitié des quotas devaient être mis aux enchères. Le problème est qu’il «y a eu une surallocation de quotas et les entreprises les ont stockés. Une boîte comme Mittal, alors qu’elle ferme ses hauts fourneaux, continue à percevoir des quotas, ce qui n’a aucun sens», s’indigne Claude Turmes.
Le fabricant indien a ainsi dans son portefeuille 123 millions de tonnes de droits à polluer, suivis par le cimentier français Lafarge (38 millions). De fait, aucune entreprise n’a jamais utilisé la totalité des quotas alloués par la Commission. Surtout, la crise économique et la chute de la production industrielle (et donc de la pollution) ont achevé de déstabiliser le système.
La droite européenne (PPE), dont les préoccupations environnementales sont étroitement indexées sur la sensibilité du moment de l’opinion publique, a compris que le vent avait tourné depuis l’aggravation de la crise économique. Aiguillée par les industriels allemands, comme BASF, mais aussi Business Europe, le lobby du patronat européen, la droite a vu dans la proposition de la Commission l’occasion de porter un coup peut-être fatal à une politique qu’elle n’aime guère : «la ligne de clivage n’est pas nationale, mais passe entre les environnementalistes et ceux qui ne veulent pas accabler les industriels», résume le député UDI Dominique Riquet qui a soutenu la proposition de la Commission (l’UDI siège au PPE avec l’UMP).

Sentant le danger, six gouvernements (Allemagne, France, Grande-Bretagne, Italie, Suède et Danemark) ont écrit aux eurodéputés pour les implorer de voter pour la proposition de la Commission sinon «huit années d’actions contre le réchauffement climatique seront perdues» : «nous avons besoin d’un signal efficace sur les prix si nous ne voulons pas mettre en péril nos objectifs à long terme». Cela n’a pas suffi. L’UMP Françoise Grossetête, «notre chevalier noir de l’industrie», selon l’expression ironique de Riquet, a expliqué à Libération que la Commission «fait le jeu des fournisseurs d’énergie et oublie les clients. Faire monter les prix de l’énergie en période de crise, ce n’est vraiment pas le moment».
Au final, les gros bataillons du PPE soutenus par la moitié des libéraux (dont le FDP allemand), les eurosceptiques, les europhobes, ainsi que 24 socialistes, ont fait pencher la balance du côté des industriels.
Et comme une mauvaise nouvelle ne vient jamais seule, les députés ont massivement approuvé, hier, de reporter d’un an l’inclusion du CO2 émis par les avions dans les droits à polluer.
Officiellement, il s’agit d’essayer de parvenir à un compromis au niveau mondial après qu’Américains et Chinois aient menacé de prendre des mesures de rétorsion… On peut cependant douter que les Européens remettent un jour ce dossier sur la table : «on peut dire qu’on a vraiment débranché la politique environnementale européenne», tempêtait, hier, Claude Turmes.

Un article de Jean Quatremer, publié par bruxelles.blogs.liberation.fr et relayé par Kannie pour SOS-planete

Trouvé sur Les moutons enragés

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1 commentaire:

  1. Ce n'est pas trop grave. Comparé au reste du monde, l'Europe ne produit pas énormément de CO2. Alors, un peu plus ou un peu moins.

    De toute façon, le pétrole va bientôt devenir plus rare. Et pour le charbon,
    http://energeia.voila.net/fossile/charbon_declin.htm

    La même chose, simplement un peu plus tard mais en vue.

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