samedi 12 novembre 2011

AIE : sans changement radical, l'avenir énergétique sera précaire, inefficace et fortement carboné

AIE : sans changement radical, l'avenir énergétique sera précaire, inefficace et fortement carboné
L'AIE dresse un tableau "guère prometteur" des perspectives énergétiques : de l'évolution des émissions de CO2 à l'efficacité énergétique, en passant par les perspectives en matière de pétrole, il est difficile de trouver une lueur d'optimisme.
"Le monde se dirige vers un futur énergétique non soutenable qui aura des conséquences considérable", alerte l'Agence internationale de l'énergie (AIE), à l'occasion de la publication du World Energy Outlook (WEO), précisant que "faute d'un changement de direction radical en matière de politique énergétique, le monde s'enfermera dans un modèle énergétique précaire, inefficace et fortement carboné".

Malheureusement, "peu de signes laissent à penser qu'en matière de tendances énergétiques mondiales, le changement d'orientation nécessaire est amorcé" prévient d'emblée l'Agence en introduction du rapport publié le 9 novembre 2011, jugeant néanmoins qu'"il est encore temps d'agir, même si la fenêtre se referme."
Au cœur du rapport annuel de l'AIE, se trouvent trois scénarios : le scénario Nouvelles politiques "table sur une mise en œuvre prudente des engagements [internationaux]", le scénario Politiques actuelles, "selon lequel aucune nouvelle mesure ne vient s'ajouter à celles en vigueur au milieu de 2011" et le scénario 450 qui "[trace] une trajectoire plausible vers [la] réalisation" de l'objectif visant à contenir en deçà de 2°C la hausse des températures d'ici la fin du siècle par rapport à l'ère préindustrielle, conformément à l'engagement pris en 2009 lors de la conférence de Copenhague (Danemark).

Cinq ans pour limiter les émissions de GES

En premier lieu, les spécialistes de l'Agence constatent que, malgré des perspectives économiques incertaines, "le rebond notable, de 5 %, de la demande mondiale d'énergie primaire en 2010 a porté les émissions de CO2 à un nouveau pic".
Quant à l'avenir, le rapport note que le "contexte semble peu propice à la réalisation des objectifs climatiques convenus au niveau mondial", lors des conférences onusiennes sur le climat. Et l'Agence de prévenir : "les chances d'atteindre l'objectif de 2°C s'amenuisent à vue d'œil" et "nous ne pouvons pas nous permettre de remettre à plus tard l'action".
Selon les estimations de l'AIE, le scénario 450, délivre un message sans appel : "faute d'entreprendre des actions radicales d'ici à 2017, les infrastructures énergétiques déjà en place à cette date atteindront à elles seules la limite d'émissions de CO2 permises jusqu'en 2035". En effet, les quatre cinquièmes du budget carbone mondial permettant de contenir la hausse de la température moyenne du globe proviennent déjà d'installations et d'équipements existant aujourd'hui. Passé 2017, "la marge pour la construction de nouvelles [installations] serait donc nulle, à moins que ces dernières n'émettent pas de carbone du tout, une possibilité extrêmement onéreuse".
Le scénario Nouvelles politiques entrainerait, pour sa part, une hausse des températures de 3,5°C et s'il n'est pas mis en œuvre, "le monde s'oriente vers une issue encore plus dangereuse, à savoir une augmentation de la température de 6°C ou plus".

L'évolution de l'efficacité énergétique inquiète

L'évolution de l'efficacité énergétique constitue une autre source d'inquiétude pour l'AIE. "Malgré la priorité donnée dans de nombreux pays à l'efficacité énergétique, l'intensité énergétique globale s'est détériorée pour la deuxième année consécutive", constate l'Agence prévenant par ailleurs que "les nouvelles mesures d'efficacité énergétique (…) sont insuffisantes".
Par ailleurs, les anticipations de l'Agence ne sont pas positives. Certes, le scénario Nouvelles politiques fait apparaître une accélération de la tendance de moyen terme, mais cela reste insuffisant. Avec ce scénario relativement ambitieux, "l'efficacité énergétique s'améliore deux fois plus vite qu'au cours des vingt-cinq dernières années sous l'effet de normes plus sévères appliquées dans tous les secteurs et de l'élimination progressive d'une partie des subventions aux combustibles fossiles". Cependant, "la progression doit encore s'accélérer pour que les améliorations de l'efficacité énergétique contribuent à la moitié des réductions supplémentaires d'émissions" inscrite dans le scénario permettant de respecter l'engagement pris en 2009 dans la capitale danoise. A noter que "les subventions qui encouragent la surconsommation de combustibles fossiles ont dépassé les 400 milliards de dollars", alors même que le G20 s'est engagé à y mettre un terme il y a deux ans déjà.
Enfin, si la motivation climatique ne suffisait pas, l'AIE tente de mobiliser les décideurs en expliquant que l'énergie que nous ne consommons pas est "la principale contribution à la réalisation des objectifs de sécurité énergétique".

Remplacer la production de pétrole sur le déclin

En l'occurrence, l'avenir s'assombrit en matière de sécurité énergétique et l'AIE confirme à mots couverts un risque de pénurie d'hydrocarbures liquides. En tout état de cause "l'ère du pétrole bon marché touche à sa fin" constate l'Agence qui se refuse toujours à évoquer un pic pétrolier, malgré les incertitudes soulevées par ses scénarios.
Du côté de la demande, les politiques actuelles entrainent pour 2035 une demande de 107 millions de barils par jours (mb/j). "Une action politique pour limiter la demande et un développement incessant des nouvelles sources d'approvisionnement sont essentiels pour les marchés pétroliers à moyen et long terme", alerte le WEO. Le scénario Nouvelles politiques, plus favorable, entrainnerait une demande à 99 mb/j.
Quant à la production pétrolière, elle atteindra 96 mb/j en 2035, tous liquides confondus, soit une hausse de 13 mb/j par rapport à la production de 2010. Il y a cinq le WEO estimait encore que la production serait de quelques 110 mb/j en 2030.
Plus encore, l'Agence confirme que "la production de brut conventionnel s'accroit marginalement pour former un plateau à 69 mb/j (juste en deçà du record historique de 2008 à 70 mb/j) et ensuite décline lentement pour atteindre 68 mb/j en 2035". Cependant, détail crucial, pour réaliser un tel plateau, l'AIE pose une condition claire : "une croissance des capacités de 47 mb/j [hors hydrocarbures non-conventiels déjà pris en compte par ailleurs], soit deux fois la production actuelle des pays de l'OPEP du Moyen-Orient, est nécessaire pour simplement compenser le déclin des champs pétroliers existants".

Trop d'hésitations sur le nucléaire

Enfin, "des hésitations sur le nucléaire auraient des répercussions importantes", prévient l'Agence qui rapporte les interrogations de certains Etats "bien que des pays moteurs de son développement comme la Chine, l'Inde, la Russie et la Corée n'aient pas modifié leurs politiques". Dans ce contexte, l'AIE avance un possible recul des capacités nucléaires mondiales.
Concrètement, l'Agence estime que les capacités de production nucléaires mondiales pourraient être réduites à 335 gigawatts (GW) en 2035, soit 15 % de moins par rapport aux 393 GW en service en 2010. Un tel scénario se base sur l'absence de construction de nouveau réacteurs dans les pays de l'OCDE, une réduction de la durée de vie du parc existant et des investissements moins importants que le scénario le plus optimiste pour les pays hors OCDE. A noter qu'un chapitre complet est consacré aux conséquences d'une réduction de la capacité nucléaire.
"Ces perspectives d'un moindre recours au nucléaire créent certes des opportunités pour les énergies renouvelables, mais stimulent aussi la demande de combustibles fossiles", jugent les experts de l'Agence.
Le scénario Nouvelle politique impliquerait pour sa part une hausse de plus de 70 % de la production nucléaire au cours de la période allant jusqu'à 2035.

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