vendredi 4 novembre 2011

Pour l'extinction des feux capitalistes !

Hong_Kong_Night_Skyline
Mégapole de Hong Kong de nuit
© Base64, retouché par CarolSpears
 
On nous aveugle pour nous inciter à consommer. Nous avons vu au fil de certains de mes articles précédents que nous avions toutes les raisons de croire au péril à venir et que nous n’étions pas dupes des mesures ersatz qu’on nous propose. C’est donc que nous avons l’âge de raison et que nous sommes en pleine capacité d’inventer nos propres faits divers, de réinventer notre existence sans se placer passivement sous influence. Si nous militons pour une vie naturelle et de réelles économies d’énergie…, alors respectons notre chronobiologie, couchons-nous avec les poules !

Se coucher avec les poules...Et se lever au chant du coq

Si nous entendons vivre en bonne santé, si nous mangeons bio, si nous sommes idéalement végé, si nous vivons volontairement une certaine simplicité tout en arborant une posture radicalement écorésistante et non bobo à souhait..., nous ne devons plus décaler nos heures de sommeil car nous appartenons à une espèce diurne. Si nous étions crépusculaires ou nocturnes, notre vision serait ajustée en conséquence. En m'adressant à pas mal de mes ami(e)s aussi écolos que noctambules, je dois les avertir que c'est tout à fait contradictoire. Ils le savent, ce n'est qu'une dérive, une pente savonneuse bien entretenue par la consommation qui entend nous tenir en éveil et hypnotisés le plus longtemps possible pour nous vendre sa camelote.
Vivre de nuit est aussi pervers que d'abuser de la viande (j'aimerais écrire que de manger de la viande...), de procréer outre-mesure, de voyager par avion ou de consommer antipodes. Réfléchissez-y et changez vos habitudes ! Dans les abominables élevages de poules en batterie, on les éclaire 24 heures sur 24 pour qu'elles surpondent... Certains dictateurs imposaient la lumière permanente à leurs prisonniers politiques... Le capitalisme a tout intérêt à nous éclairer jour et nuit, à nous aveugler pour nous faire pondre, bouffer, danser et consommer comme des imbéciles, pour nous lobotomiser jusqu'à l'aube devant des programmes de propagande télévisée...
Se coucher avec les poules nique le système, se coucher avec les poules est passivement révolutionnaire ! D'ailleurs, les colibris ne volent pas de nuit ! Mon postulat est à moduler pour les Groenlandais qui ne peuvent dormir six mois d'affilé... et rester éveillés les six autres mois !
Comme c'est le cas admis pour l'air, les sols ou l'eau, il existe bel et bien une pollution lumineuse, de taille et non négligeable quant à l'ampleur de ses effets indésirables. Avec nos éclairages intempestifs, nous croyons recréer le monde alors que nous ne faisons que le naufrager. Depuis l'invention de l'ampoule électrique, la lumière artificielle qui transforme la nuit en jour est symbole de progrès, de confort. Elle permet de veiller en  se cultivant, en se distrayant, en travaillant jour et nuit. Mais il n'y a pas de lumière sans ombre, et il y a d'autant plus d'ombre au tableau qu'il y a sur-illumination. Le halo lumineux produit par les grandes agglomérations urbaines se voit depuis le cosmos et la cartographie mondiale des zones lumineuses est chaque nuit plus brillante. Pour preuve de la gêne, pour pouvoir observer les étoiles les observatoires d'astronomie doivent déménager le plus loin possible des foyers intempestifs de lumière artificielle. Mais si vous êtes insomniaques, alors, rejoignez les éteigneurs !
Les éteigneurs, ces groupuscules d'esprits « éclairés » et qui ont vite compris qu'un simple clic sur l'interrupteur de sécurité extérieur des enseignes publicitaires permet d'économiser l'énergie et de lutter contre une stupide pollution lumineuse. Sachant qu'à l'instar du papillon de nuit, la clientèle, attirée par tout ce qui brille, est sujette au phototropisme, les gestionnaires de tous les magasins, de toutes les institutions qui ont pignon sur rue, nous aveuglent inutilement et abusent de l'éclairage. Le clan néon, les pêcheurs d'énergie et autres lumineuses appellations dont se parent avec humour ces initiateurs accomplissent dans de nombreuses villes une action non violente, qui n'engendre aucune dégradation mais dont l'intervention non souhaitée par les responsables des lieux peut être interprétée comme autoritaire. L'initiative d'éteindre des éclairages superflus s'inscrit dans les mouvances de contre-pouvoir, de contre-culture et d'objection de croissance et de consommation en tous genres qui se manifestent contre la marchandisation de notre société symbolisée par la grande distribution et les médias vecteurs. Il s'agit toujours d'une lutte non violente, fondée sur l'argumentation contre la pub et faisant appel aux valeurs des droits de l'homme, de l'éthique démocratique et d'une alternative qui est celle de la décroissance soutenable.

Baisse un peu l'abat-jour !

La nuit éblouissante rend fou.
La pollution lumineuse, ou photopollution, désigne la présence nocturne anti-écologique, anormale ou gênante de lumière, les conséquences de l'éclairage artificiel sur la faune, la flore, la fonge et les écosystèmes, ainsi que les effets suspectés ou avérés sur la santé humaine. On distingue la sur-illumination (puissance lumineuse excessive), l'éblouissement (trop forte intensité, contraste excessif) et la luminescence du ciel nocturne (halos causés par la lumière perdue vers le ciel, atteinte au firmament...). L'illumination artificielle de la nuit est un phénomène agressif qui nous empêche de jouir sereinement des éléments, contrarie le recours à toute méditation et handicape grandement notre spiritualité. Devoir s'enfermer dans une chambre, volets clos, pour se soustraire à cette nuisance imposée est une échappatoire artificielle facteur de stress.
L'évaluation de la qualité du ciel noir et donc de l'influence de la pollution lumineuse est souvent évaluée par l'échelle de Bortle. Cet outil mesure l'indice qualitatif de l'environnement établi sur la description de la noirceur et de la pureté du ciel de l'atmosphère. L'évaluation intéresse tout autant les astronomes que les écologues. Son étalonnage va de 1 à 9. La classe 1 concerne un excellent ciel noir, vierge de tout phénomène lumineux artificiel : la lumière zodiacale, le gegenschein (lueur antisolaire faiblement lumineuse située dans la région de l'écliptique directement opposée au soleil), la bande zodiacale et toute la voie lactée sont parfaitement discernables ; les étoiles les plus faibles observables à l'œil nu sont de magnitude 7,6 à 8,0 ; la région de la constellation du scorpion et celle de la constellation du sagittaire dans la voie lactée sont suffisamment brillantes pour projeter une ombre au sol ; la brillance du ciel étoilé est clairement visible ; la lumière de Jupiter et de Vénus affecte l'accommodation à l'obscurité, rendant leurs environs quasiment invisibles. À l'opposé, dans la classe 9 propre au ciel de centre-ville, on ne distingue plus d'étoile hormis la lune et les planètes. La magnitude limite est inférieure à 4,0. Ces indices furent utilisés dans l'élaboration du projet de la trame verte et bleue, promue par le Grenelle de l'environnement, dans le cadre de la stratégie paneuropéenne pour la protection de la diversité biologique et paysagère, impliquant la mise en place d'un réseau écologique paneuropéen pour restaurer l'intégrité de l'environnement, y compris celui nocturne.
C'est au XVIIe siècle qu'apparaît l'éclairage public avec la création des compagnies de lanterniers chargés d'éclairer certaines rues de Paris, puis des capitales de provinces. En 1667, Louis XIV imposa l'éclairage de toutes les rues de la capitale pour lutter contre les vols et les crimes. Avec l'invention du gaz de houille, dit gaz de ville, l'éclairage s'est étendu et a développé ses premiers impacts écologiques, déjà signalés par les chroniqueurs de l'époque. Certains témoignages rapportent des nuages de papillons s'épuisant à tournoyer autour des becs de gaz et venant pondre par dizaines, voir par centaines sur certains fûts des lanternes. C'est avec l'apparition du réseau électrique et la diffusion rapide de l'ampoule électrique que l'éclairage public s'est répandu dans le monde, produisant dès les années 1940 un début de halo lumineux immédiatement signalé par les astronomes pour lesquels il constituait une gêne.
Au XXe siècle, une augmentation conjointe de la production électrique et du matériel d'éclairage s'avère correspondre à une demande de sécurité de la part du public.  Il était du devoir des élus de répondre à la requête et le résultat fut une tendance à l'augmentation de l'éclairage urbain et périurbain. Les enjeux commerciaux, électoraux et d'image alimentèrent vite une généralisation et une intensification des éclairages, jusqu'à l'absurdité de l'actuel abus. Le recours à des panneaux et enseignes lumineuses en a rajouté à la luminescence de l'environnement nocturne urbain et notamment routier. Au phénomène des publicités lumineuses, néons, magasins et édifices publics (monuments, châteaux, ponts, berges, églises, etc.) intensément éclairés, parfois toute la nuit, s'ajoutent les impacts des canons à lumière, ces skytracers improprement nommés lasers, qui balaient le ciel au-dessus des édifices.

Encore une facture sur le dos de la planète

Que la lumière soit et la planète fut !
Énergie, énergie, nous n'avons que ce mot à la bouche... En latin comme en grec, le vocable signifie « force en action ».
Il semble que l'homme naturel des premiers âges n'ait utilisé pour cueillir, chasser, pêcher et vivre que sa propre énergie vitale, tant cérébrale que musculaire. La sédentarisation venue, l'homme cultivateur dut compter sur la force animale pour accomplir sa tâche tout d'abord vivrière, puis rentière et marchande. L'avènement des temps artisanaux, marchands puis industriels générèrent les besoins énergétiques que nous connaissons aujourd'hui, depuis le recours au vent ou aux chutes d'eau pour le moulin du meunier jusqu'au nucléaire quand il s'agit d'allumer la planète ! Critiquer l'œuvre du meunier ne viendrait à l'idée de personne, tandis que se gausser des lumières de Las Vegas ou de l'éclairage d'une Tour Eiffel tombe sous le sens tant la débauche est superflue.
L'énergie du courant électrique provenant à 80 % d'origine fossile, elle est donc de source non renouvelable. Son utilisation incontrôlée pour éclairer n'importe quoi, n'importe où et n'importe quand, même quand il ne fait qu'un peu sombre, est ainsi tout aussi grave que notre motorisation exagérée qui consiste à rouler seul dans un véhicule de cinq places et souvent sans réelle nécessité. Nous grevons ainsi et de façon inconsidérée des réserves dont on possède la notion d'extinction au point d'en connaître la date prochaine. Bien sûr, notre espèce collectivement atteinte de mort cérébrale ne croit même pas ce qu'elle sait ! On dirait que cela nous amuse ! Si tout nous semble prolixe et disponible à souhait, tant à la maison ou au bureau, la Terre, elle, n'est pas  rechargeable. Qui, appuyant sur un interrupteur, pense à cette notion des limites planétaires, de la finitude de bien des ressources dont nous usons et abusons avec la plus totale désinvolture ? D'autant plus que des centres commerciaux éclairés toute la nuit, voire des administrations qui le sont 24 heures sur 24 ne nous incitent pas à prendre conscience. Comme toujours, la débauche vient d'en haut alors qu'on pourrait en espérer l'exemplarité. Ces sources d'énergies non renouvelables sur lesquelles est pharaoniquement construite la société occidentale et qui sont aussi responsables du gaz à effet de serre, sont dérivées des hydrocarbures que sont le charbon, le pétrole et le gaz naturel. L'énergie nucléaire tributaire des gisements d'uranium n'est pas, non plus, illimitée. Seule la fusion nucléaire le serait à condition d'être industriellement maîtrisée. En outre, le nucléaire fait débat et on peut comprendre pourquoi si l'on est attaché à l'humanité ! Je précise cela parce que le luxuriant regain de biodiversité, notamment végétal, constaté dans toute la région désertée des environs de Tchernobyl met un bémol sur l'incidence des risques nucléaires. Comment peut-on écrire cela, diront mes amis antinuc'. Je constate, c'est tout. Juste pour préciser que la pression humaine peut être encore pire pour la Nature que des effets radioactifs.
Quant aux énergies renouvelables que sont le rayonnement solaire (source infinie...), l'hydroélectricité, l'éolien terrestre ou offshore, la géothermie, la force des vagues (énergie houlomotrice), celle des marées (énergie marémotrice), des courants sous-marins (énergie hydrolienne), la diffusion ionique induite par l'arrivée d'eau douce dans l'eau de mer (énergie osmotique)..., elles ne relaient qu'à peine 15 % de la consommation totale d'énergie commercialisée dans le monde et moins de 20 % de la production mondiale d'électricité, la biomasse et les déchets assurant l'essentiel de cette production commercialisée (10 %). La France ne produit que 6 % de son énergie commercialisée à partir de sources renouvelables : 4 % issus de la biomasse (bois énergie) et 2 % de l'hydraulique. Nonobstant des taux de croissance annuels qui confèrent aux 100 %, l'éolien reste très peu productif, à tel point que nous sommes amenés à nous poser de sérieuses questions sur le lobby qui le soutient mordicus. La France est enfin un des plus mauvais élèves européens en matière de surface solaire installée par habitant.
Les énergies renouvelables et dites alternatives (pas toujours si respectueuses que cela...) apparaissent comme très loin d'être à la hauteur des fantastiques besoins que l'humanité s'est forgée et dont l'économie mondiale se trouve dépendante. Un score aussi insuffisant ne permet pas de décomplexer le consommateur un tant soit peu soucieux de l'avenir des générations futures. Là réside tout le drame de la terrible erreur : avoir rompu avec les réalités au nom d'un développement ahurissant et qui semble impossible à remettre en cause, et surtout pas avec des leçons de catéchisme et de bonne conscience. Sans cette paranoïa tout autant générée par nos exigences que par une population humaine démesurée, tout irait presque bien, sauf qu'il nous faudrait encore apprendre à partager. Pour l'instant, non seulement le monde nanti se montre de plus en plus inique et égoïste, mais la perspective d'un effondrement écosystémique global ne désamorce nullement notre désir de croissance à tout crin.
Le revers de la médaille en matière d'énergies renouvelable réside dans l'intégration écopaysagère de structures d'autant plus envahissantes que la modestie de production unitaire en induit la multiplication : centaines de turbines, milliers de plaques... L'impact écologique est moindre lorsqu'il s'agit d'espaces déjà artificialisés et non de sites sauvages. Mais la dérive anthropocentriste fait que ces unités disgracieuses ou bruyantes se retrouvent le plus souvent loin des zones habitées où elles sont considérées comme gênantes pour notre confort personnel. C'est donc une fois de plus la Nature qui paie le prix de nos exigences. Si la proximité de batteries d'éoliennes ou d'une centrale solaire peut constituer une nuisance pour l'homme, on peut admettre que la dite nuisance est subjective et qu'en outre nous subissons un dérangement dont nous sommes les bénéficiaires. Tandis que la destruction d'espaces sauvages, le dérangement et l'éviction de la faune, l'hécatombe d'oiseaux et de chauves souris sont des faits pour le moins objectifs. Le réseau français de 100 000 kilomètres de lignes à haute tension décime déjà et en notre nom d'innombrables oiseaux. En attendant de défaire tôt ou tard tout l'éolien terrestre qui sera vu comme parfaitement ridicule, et ce, pour ne recourir qu'à des unités offshore nettement plus probantes (je prends date !), on pourrait au moins recourir davantage aux turbines à axe vertical (type hélicoïdal) qui réduisent la mortalité de l'avifaune et nécessitent moins de place. En attendant, c'est une filière d'utilité illusoire et qui s'en met plein les poches.
Les barrages hydroélectriques présentent aussi des conséquences écologiques très lourdes puisque l'inondation de vallées entières est un bouleversement absolument dramatique et irréversible pour l'écosystème local, sans parler des modifications pour la libre circulation de la faune aquatique et la migration des poissons.
Les autoroutes belges, depuis longtemps outrancièrement et intégralement éclairés, commencent quand même à s'éteindre. Par contre, dans le Sud de l'Europe, toujours en retard d'une guerre, certains villages et leurs abords sont équipés d'un triple éclairage sur trois niveaux de hauteur, car il y va du succès électoral du maire qui surfe sur la peur de la nuit.

La nuit aussi est électorale...

Les raisons politiques de l'éclairage abusif.
La nuit tous les députés sont gris ! La plupart des civilisations, notamment sédentaires et dites civilisées, ont toujours eu peur des bois, des araignées, des serpents, de l'orage, de la nuit... Ce sont les vieux démons. Aujourd'hui encore, les hommes politiques exploitent ces phobies. La crainte de la nuit est plus ou moins argumentée par les risques de vol, de viol, d'accidents et mésaventures diverses. La demande provient des familles, des personnes âgées, en quête de visibilité et de sécurité. Tout maire qui veut être élu, puis réélu doit redoubler en matière d'équipement, de bitume, de béton, de fleurs ornementales insipides et d'éclairage. Le souci écologique n'a pas vraiment son mot à dire dans cette quête démagogique de modernité superflue. Avant, les éclairages municipaux étaient programmés jusqu'à minuit ou une heure du matin. L'extinction se fait dorénavant concomitamment à l'heure indue le lever du jour, parfois même bien après. Ce n'est rien d'autre qu'un charlatanisme lumineux, une démagogie énergétique par souci électoraliste.
La modification politique concernant l'heure d'été apporte aussi certains malaises, notamment chez les bébés et les jeunes enfants. Il est bien connu que les personnes atteintes d'autisme supportent également très mal ce changement d'heures qui nous est imposé deux fois l'an. Ce bouleversement a été instituée en France en 1975 suite au choc pétrolier de 1974, avec comme objectif des économies d'énergie. Il convient de mieux combiner les heures d'activités avec les heures d'ensoleillement pour limiter l'utilisation de l'éclairage artificiel. Cette remise à l'heure consiste à ajouter 60 minutes à l'heure légale au cours de la période estivale (de fin mars à fin octobre). L'estimation des économies d'éclairage résultant de la mise en œuvre de ce régime de l'heure d'été dans notre pays est chaque année de l'ordre de 1,2 à 1,3 TWh. Appliqué au Royaume-Uni et en Irlande depuis la première guerre mondiale et en Italie depuis 1966, ce modèle a été introduit dans l'ensemble des pays de l'Union Européenne au début des années 1980. Pour faciliter les transports, les communications et les échanges au sein de l'Union Européenne, il a été décidé d'harmoniser par directive du Parlement Européen et du Conseil, les dates de changement d'heure. C'est ainsi que depuis 1998, pour l'ensemble de la Communauté européenne, le passage à l'heure d'été intervient le dernier dimanche de mars à 2 heures du matin et le passage à l'heure d'hiver le dernier dimanche d'octobre à 3 heures du matin.

Pour l'instauration d'un couvre-feu écologique !

La biodiversité décimée par l'éclairage.
Comme déjà mentionné, la planète Terre trop éclairée est un piège tendu à toute une biodiversité. Le spectre à dominante blanc-bleu est beaucoup plus nuisible que celui à dominante rouge-jaune, lequel est aussi moins énergivore.
Dès le temps de la bougie, et peut-être avant avec le simple feu de bois, l'homme avait constaté l'attirance du papillon pour la lumière. Avec l'avènement des phares automobiles, on a pu évaluer l'incommensurable mortalité occasionnée sur tous les invertébrés nocturnes, méga hécatombe conjuguée au choc contre les pares-brises. Des constats scientifiques ont été menés dès le XIXe siècle par des naturalistes, des entomologistes, des ornithologues sur le piège écologique que représente l'éclairage, notamment sur la désorientation des oiseaux migrateurs entraînant des mortalités conséquentes. Ce type de pollution intègre aussi les impacts de certains rayonnements modifiés, dont ceux des ultraviolets, sur la flore en particulier, et de la lumière polarisée sur la faune capable de la percevoir. Elle correspond à des perturbations endocriniennes ou comportementales, notamment liées aux phénomènes de phototaxie positive, soit l'attraction irrésistible vers la lumière.
Le phototropisme exercé par des milliards de réverbères est un carnage qui contribue à une considérable réduction tant qualitative que quantitative de la faunule nocturne. Ce monstrueux massacre inconscient des invertébrés est en train d'impacter de façon vertigineuse sur la baisse de pollinisation et d'induire un déclin de la flore tout comme des plantes à fruits et à légumes que nous consommons. Le « tapage » lumineux est une catastrophe tant pour la biodiversité que pour l'agriculture. Cette éradication de la microfaune, notamment des hétérocères et de coléoptères nocturnes, vient s'ajouter à la destruction des abeilles, des papillons et des chauve-souris orchestrée à toute aussi grande échelle par l'abondance de pesticides et biocides en tous genres. Les gens ne se rendent absolument pas compte de l'importance des plus petits et du déséquilibre ainsi engendré dans les chaînes alimentaires et les subtiles interdépendances. Les stations-services installées en rase campagne et éclairées de façon intempestives sont des pièges où viennent mourir, avant même de se reproduire, des quantités astronomiques d'insectes. En Allemagne, des observations ont montré que les dégâts sur le Vivant était tel que le chiffre de papillons de nuit attirés par un réverbère s'est effondré de 50 000 en 1950 à 22 spécimens en 2000 ! Ce n'est pas rien. Et il en est ainsi partout. L'écocide est pire dans les zones naturelles, initialement très riches en espèces et dorénavant vouées au tourisme. Quand j'étais enfant, durant les nuits chaudes d'été, que ce soit en région francilienne ou en Provence, les noctuelles les sphinx et les hannetons se ruaient autour de la lampe qui nous éclairait quand nous dînions dehors. Aujourd'hui, on n'observe plus la moindre bestiole qui s'y précipite. Nous avons fait table rase. Lors d'un printemps des années 1950, lorsqu'un prunier n'était pas trop loin, il suffisait d'allumer une lampe, même de faible tension, pour voir arriver l'immense et magnifique Grand paon de nuit. Actuellement, ce magnifique papillon est devenu tout à fait rarissime.
La planète constellée de lumières artificielles trouble les corridors biologiques, perturbe grandement les migrations d'oiseaux et cela est grave et dommageable. Les deux-tiers des oiseaux migrateurs migrent de nuit. Leur sens de l'orientation est basé sur la perception du champ magnétique terrestre, ainsi que sur la position des étoiles. Ce sens inné est brouillé par l'exposition à l'éclairage nocturne, notamment le long des littoraux et des grandes agglomérations. Les oiseaux heurtent les immeubles éclairés et toutes les superstructures.
En pays tropicaux, d'innombrables observateurs soulignent le mal fait par l'éclairage des littoraux et des plages à des fins urbanistiques ou touristiques, tout particulièrement aux dépens des tortues marines nouveau-nés qui, aveuglées, se dirige vers l'intérieur et les routes au lieu de prendre la mer.
Si elles souhaitent vraiment faire montre de souci écologique, les autorités de tous niveaux ne peuvent plus laisser tout un chacun libre d'éclairer où il veut et quand il veut à l'extérieur. Les administrations, les collectivités, les monuments doivent d'urgence montrer l'exemple et recourir à un éclairage parcimonieux. Les foires et les jours de fêtes doivent se dispenser de l'habituelle débauche de lumière. Il faut légiférer dans ce sens en instituant des permis d'éclairer et en recourant en certaines zones sensibles à un véritable couvre-feu écologique.

Le marchand de sable plutôt qu'une Rolex !

Remettre les pendules à l'heure de notre santé.
« Les moules sont d'une texture nouvelle, je vous avertis. / Ils ont été coulés demain matin. / Si vous n'avez pas dès ce jour, le sentiment relatif de votre durée, / Il est inutile de regarder devant vous car devant c'est derrière. / La nuit c'est le jour. / Et la solitude. » Léo Ferré
Stop à cette gabegie ! Mettons un terme à toutes ces lumières imbéciles et contre-nature, respectons la nuit !
Au fil de millions d'années, les animaux et les hommes (ou mieux dit : les animaux dont les hommes...) se sont adaptés à l'alternance du jour et de la nuit pour vivre harmonieusement au rythme de la rotation de la Terre. Homo sapiens (l'homme sage, intelligent...) a très brutalement et abusivement rompu avec cet équilibre millénaire. Aujourd'hui, notre chronobiologie est comme déboussolée... Confondre la nuit avec le jour, c'est vraiment comme perdre le Nord, avec les mêmes incidences cérébrales, sanitaires et éthologiques. Nous percevons désormais trop de luminosité de nuit et plus assez de jour. Les effets biologiques et sociaux sont des maladies et des catastrophes.
Le rythme circadien de l'homme est perçu par l'œil et régit par le cerveau. Vivre en contradiction avec notre horloge biologique et interne est si grave que cela augmente les risques du cancer. L'observation est avérée et certifiée par l'Organisation Mondiale de la Santé. Tout le monde sait que la lumière conditionne notre rythme hormonal, notamment parce que la mélatonine n'est produite que dans l'obscurité. Et cette mélatonine, outre son rôle dans le système immunitaire, est un antioxydant dont la carence favorise l'occurrence du cancer. Dénommée hormone du sommeil, la mélatonine est l'hormone centrale et primordiale de régulation des rythmes chronobiologiques et plus largement de l'ensemble de nos sécrétions hormonales, comme de celles de la grande majorité des espèces animales. C'est à partir de la sérotonine, un neurotransmetteur qui dérive d'un acide aminé essentiel, qu'est synthétisé en l'absence de lumière le type de neurohormone qu'est la mélatonine. Selon les biochimistes et les chronobiologistes, son pic de sécrétion se situe à 5 heures du matin.
Telle des horloges biologiques internes définissant un véritable temps subjectif, les rythmes circadiens (du latin circa, environ, et diem, jour) régissent la plupart des organismes vivants. La pendule circadienne est située dans les noyaux suprachiasmatiques, petite zone de l'hypothalamus qui chevauche le point de croisement des nerfs visuels gauche et droit. Chez l'espèce humaine, chacun des deux noyaux, gauche et droit, comprend environ 10 000 neurones. La rétine contient des récepteurs non photiques permettant de stimuler la sécrétion de mélatonine par la glande pinéale. Les aveugles dont la rétine est complètement inopérante présentent ainsi de nombreux troubles de désynchronisation de leur organisation temporelle. L'existence d'une telle horloge génétique va de soi : il suffit d'avoir ressenti le jet-lag, ensemble de symptômes du décalage horaire qui accompagne tout vol transméridien (Paris-Washington, par exemple), pour savoir que l'organisme peut se comporter comme une montre, rappelant implacablement l'heure locale du point de départ. Se remettre à l'heure de la destination prendra plusieurs jours pendant lesquels le voyageur décalé souffre de troubles plus ou moins marqués du sommeil et de la digestion.
Ce domaine des rythmes biologiques est celui de la chronobiologie, discipline scientifique étudiant l'organisation temporelle des êtres vivants, des mécanismes qui en assurent la régulation et de ses altérations. L'homme préhistorique possédait déjà une vague connaissance de l'organisation temporelle du monde vivant, notamment par la maturité des fruits et les migrations du gibier. Plus tard, l'homme du néolithique maîtrisera l'agriculture et l'élevage grâce à ses notions du cycle végétal et de celui de la reproduction des animaux. À l'époque de la Grèce Antique, Aristote et Pline témoignèrent de la rythmicité dans la reproduction, la floraison, la migration et l'hibernation. Les premiers récits décrivant les rythmes biologiques à propos de la biologie végétale remontent au IVe siècle av. J.‑C., avec Théophraste qui rapporte dans son Histoire des plantes une observation de pur photopériodisme à propos d'Androsthène observant sur l'île de Tylos un arbre (probablement un tamarinier) « dont les indigènes assurent qu'il dort ». C'est au XVIIe siècle que le médecin italien Santorio Santorio met en évidence le rythme circadien chez l'homme en mesurant la variation journalière de son poids. En 1729, le savant Jean-Jacques Dortous de Mairan étudie le phénomène de la nyctinastie chez la sensitive, une plante qui, même placée dans l'obscurité totale et dans un environnement constant de température et d'humidité, continue d'ouvrir ses feuilles comme en plein jour, pour ne les replier que la nuit. C'est bien la preuve des rythmes circadiens endogènes. En 1751, le naturaliste suédois Carl von Linné, par ailleurs inventeur de la taxinomie binominale, définit pour certaines plantes ce qu'il nomme l'horloge florale. Au tout début du XXe siècle, l'éthologiste allemand Karl von Frisch démontre que l'abeille dispose d'une horloge interne apte à plusieurs synchronisations. Les botanistes américains Whigtman Garner et Henry Allard publient en 1920 une étude sur le photopériodisme, classant une série de plantes en jours courts et en jours longs.
Dans la seconde partie du siècle passé, c'est la mode des expériences dites hors du temps, dont les acteurs sont des biologistes allemands, puis le spéléologue français Michel Siffre, assisté par la Nasa dans sa principale expérience très médiatisée du gouffre de Scarasson. Il séjournera deux mois claustré, sans aucun repère temporel et à la fin de l'expérience, le 14 septembre, ne se référant qu'au temps psychologique, il pensait être le 20 août. Ces  épreuves nous enseignèrent que nombreuses sont nos fonctions physiologiques, cognitives et comportementales contrôlées par une horloge circadienne de période endogène en cours libre d'un cycle de 24 heures et demi.
C'est à la fin du XXe siècle qu'est enfin reconnu le gène de l'horloge, nommé per pour période (travaux de Bargiello et Young) et que les horloges circadiennes sont mises en évidence au niveau moléculaire (ARN messager de per) (travaux de Michael Rosbash). Quelle heure est-il ? Pourquoi donc demander l'heure quand on la possède déjà dans sa chair et son sang ? Il vaudrait donc mieux faire l'apologie de ceux qui, en vertu d'une vie la plus saine et naturelle possible, auraient conservé intacte leur horloge interne que d'estimer comme réussite sociale la possession d'un stupide objet nommé Rolex !
L'homéostasie traite de la capacité du milieu interne d'un être vivant à se maintenir dans un état apparemment stable, et ce, malgré les fluctuations de son environnement. Les conditions ambiantes sont instables. Tout d'abord de manière rythmique et programmée : la Terre tourne sur elle-même et autour du soleil, ce qui induit une alternance lumière/obscurité ainsi que la présence de saisons ; ensuite de façon aléatoire et souvent beaucoup plus subtil à percevoir et à prévoir.
Le travail de nuit ou le travail posté tendent à provoquer une désynchronisation de l'organisation temporelle de l'individu. En Europe, un salarié sur cinq travaille de nuit. Ne pas dormir la nuit est un mode de vie si anormal qu'il engendre bien des désordres sanitaires et sociaux. Les veilleurs connaissent tous le coup de barre qui intervient peu avant l'aube, sur le coup de 4 heures du matin, et ce, même s'ils sont rompus à cet horaire inversé et même s'ils ont bien dormi de jour. Pour ceux qui font la route de nuit, c'est le moment le plus sensible, celui où se produit le pic des accidents. Il est tenu compte de ces variations de vigilance dans le cas de surveillance du pilotage des navires (organisation en quarts) ou de salles de contrôles d'unités industrielles à haute dangerosité (usines chimiques), des tours de contrôle et des centrales nucléaires. En dépit d'un panel de mesures préventives, bien des naufrages et des catastrophes de l'époque moderne se sont produites au cœur de la nuit et à la suite d'une défaillance de vigilance des équipes veilleuses (Titanic, Exxon Valdez, Tchernobyl...).

Auteur

avatar Michel Tarrier

Notre-planete.info

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