Le gouvernement de Naoto Kan a envoyé des lettres de recommandation aux entreprises de télécommunication et aux webmasters, appelés à faire le nécessaire pour « purifier » l'information en provenance de Fukushima...
Il voudrait se tirer une balle dans le pied qu’il ne s’y prendrait pas autrement. Déjà au plus bas dans les sondages et suspecté par une proportion importante de ses concitoyens de minimiser la gravité de la situation à et autour de la centrale nucléaire de Fukushima 1, le gouvernement japonais vient d’autoriser la censure sur la Toile des nouvelles embarrassantes en sa provenance…
Incroyable mais vrai : les webmasters et autres entreprises de télécommunication (chaînes câblées, fournisseurs d’accès Internet etc.) ont désormais carte blanche pour nettoyer le Net de ces prétendues « impuretés ».
Voilà, ça se passe comme ça dans le monde merveilleux de Naoto Kan, dont les dernières déclarations optimistes sont de facto à relativiser. Le Premier ministre, qui semble impuissant à rassurer ses compatriotes et par voie de conséquence à redorer son blason auprès d’eux, a donc décidé d’employer la méthode « chinoise » et de faire du déni des vérités qui dérangent la nouvelle norme. Coup de folie ? Hara-kiri politique ? Une chose est sûre : l’ordonnance officielle, ne serait-ce que parce qu’elle va à l’encontre des allégations des médias, fera couler beaucoup d’encre et ne contribuera pas à réhabiliter l’énergie nucléaire auprès des Japonais.
Il n’y avait en effet pas mieux à faire pour entretenir le flou et la suspicion, alors même que le pays du soleil levant, toujours groggy quatre mois après le séisme, le tsunami et l’accident de Fukushima 1, cet interminable feuilleton émaillé de coups durs et de coups de Jarnac, aspire plus que jamais à la transparence.
Ne pas contredire la version officielle
Est-ce cela un État démocratique ? Le filtrage électronique façon Big Brother a-t-il sa place dans un pays censé encourager la liberté de parole et qui traverse sa plus grave crise depuis la Deuxième guerre mondiale ? Les autorités soutiennent de leur côté que les dommages provoqués par les événements du 11 mars dernier ont été amplifiés par des rumeurs qui se sont répandues sur le Net comme des traînées de poudre, c’est pourquoi elles sont déterminées à mettre le paquet pour saigner les reportages d’investigation. En ordre de bataille, le ministère des Affaires intérieures et de la Communication, celui de l’Économie et l’Agence de la Police Nationale ont créé une nouvelle cellule chargée d’envoyer des « lettres de recommandation » aux entités précitées ; et si tout se passe comme prévu il n’y aura au bout du compte plus de contrepoids à la version officielle, selon laquelle la catastrophe est grosso modo terminée…
Bloggueurs et utilisateurs de Twitter susceptibles de véhiculer des informations erronées ou jugées inconvenantes ont de quoi s’inquiéter, d’autant qu’il est avéré que de nombreuses vidéos Youtube diffusées après le 11 mars dernier qui contenaient des images et/ou des commentaires défavorables à l’État et à l’exploitant TEPCO (Tokyo Electric Power COmpany) ont subitement disparu de la circulation quelques heures après avoir été mises en ligne. Une preuve supplémentaire du quadrillage auquel procèdent les pouvoirs publics, qui ont donc décidé d’aller à rebours des réclamations des ONG, lesquelles les appellent depuis de longues semaines à dire les choses telles qu’elles sont et non comme ils voudraient qu’elles soient. Ainsi l’information exclusivement positive et dangereusement sélective est-elle devenue la seule qui vaille.
Avant le 11 mars, on pouvait se dire que tout n’allait pas. Aujourd’hui, on dirait que rien ne va plus.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire