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La Grande-Bretagne est en proie à des émeutes jamais vues depuis 1985. A l’origine : la mort d’un jeune métis de 29 ans, Mark Duggan, tué par la police londonienne dans des conditions si floues qu’une enquête indépendante a été ouverte.
Alors que le gouvernement conservateur promet « une riposte », des chercheurs appellent à s’attaquer aux véritables enjeux économiques et sociaux.

En France, où des émeutes ont éclaté en 2005 après la mort de deux jeunes poursuivis par la police en banlieue parisienne, l’anthropologue Alain Bertho mène le même combat.

 Interview :
Comment peut-on expliquer une telle flambée de violences ?
– La situation est comparable à une cocotte minute qui peut exploser à tout moment. Les raisons structurelles existent depuis plusieurs années déjà : soumission des Etats aux logiques financières et aux agences de notation, aggravation considérable des inégalités, politique ultra-sécuritaire…
Avec tous ces ingrédients, on ne peut pas être surpris par ces événements. Ce qui est toujours étonnant, en revanche, est l’alchimie collective qui les déclenche.

Le gouvernement britannique se borne à qualifier les émeutiers de voyous. Qu’en est-il réellement ?
– Il s’agit d’un langage classique de l’Etat en pareil cas. Passons. Ce sont des jeunes des classes populaires dans leur diversité d’âges, d’origines et de comportements. L’émeute correspond au moment où on s’exprime autrement que par les mots, simplement parce qu’on ne peut plus le faire autrement. Pour comprendre la motivation des émeutiers, il faut regarder ce qu’ils font. Le message est dans l’acte. Ces jeunes cassent pour s’imposer dans un système qui ne veut pas d’eux. Si on applique à ces événements une seule lecture policière, on rate l’essentiel.

Des manifestations étudiantes importantes se sont déroulées il y a quelques mois en Grande-Bretagne. Les deux mouvements peuvent-ils converger ?
– L’exaspération et le passage à l’acte émeutier, qui au passage est un signe des temps, peut se faire de façon dispersée. On a vu à quel point les émeutiers de 2005 en France ont été extrêmement isolés. A quel point aussi le lien entre le mouvement étudiant et ces jeunes de quartiers populaires a été conflictuel en 2006 au moment du CPE.
La question d’une jonction, ne serait-ce qu’au sein de la jeunesse, est ouverte. Elle est essentielle. Elle s’est faite en Grèce en 2008. En France, les évènements au cœur des manifestations contre la réforme des retraites, l’année dernière, semblent indiquer qu’il y a un mouvement en ce sens.
Parce que la jeunesse populaire a agrégé autour d’elle le reste de la jeunesse, voire d’autres générations, Ben Ali est tombé en Tunisie.

Chacun restera-t-il dans son coin avec sa propre colère ?
C’est la question qui prévaut aujourd’hui. Mais il est très difficile de le prévoir. Ce phénomène couve de façon silencieuse et invisible.
L’année qui vient de s’écouler en Grande-Bretagne m’inciterait plutôt à penser qu’un tel processus est lancé. On a eu successivement le mouvement étudiant au début de l’année, celui, plus massif, contre l’austérité en mars, puis ces émeutes. Il y a plusieurs fronts dans lesquels l’exaspération se manifeste de façon similaire. Il y a fort à parier qu’ils se rejoignent à un moment ou un autre.

Comment s’achèveront les émeutes qui, pour l’heure, s’étendent à toute la Grande-Bretagne ?
– Comme d’habitude. Ça va s’arrêter, on ne saura pas pourquoi. Et ça réapparaîtra à un autre moment, sous d’autres formes. Je ne crois pas trop à une insurrection violente, mais plutôt à un élargissement des nouveaux espaces politiques, ouverts notamment par les « Indignés ». L’avenir est sans doute dans ces mouvements d’exigences populaires et de masse, qui se situent en dehors du système électoral.

Peut-on faire un parallèle avec les émeutes de 2005 en France ?
– L’analogie est inévitable. Il y a aussi, et surtout, une évolution dans le temps. En 2005, il s’agissait d’actes de visibilité. Les émeutiers voulaient se faire voir en brûlant des voitures dans leurs quartiers. Ils voulaient manifester leur présence, être enfin comptés comme des citoyens à part entière et manifester leur ras-le-bol contre le tout sécuritaire et le racisme d’Etat. On a visiblement passé plusieurs crans en Grande-Bretagne. On est dans autre chose, encore difficile à définir.

Après les révolutions arabes, assistons-nous à une internationalisation de la révolte de la jeunesse populaire ?
– J’ai compté plus de 1.200 émeutes en 2010. Et plus de 1.000 depuis le 1er janvier 2011.D’un continent à l’autre, d’un pays à l’autre, on retrouve des situations récurrentes : la mort d’un jeune impliquant la police ou des mobilisations étudiantes (au Chili en ce moment par exemple). La jeunesse n’a pas d’avenir. Ou plutôt, le monde n’est pas actuellement en mesure de lui en proposer un.

Existe-t-il une volonté de convergence des luttes ? On ne retrouve pas ce sentiment chez les émeutiers. On le perçoit, en revanche, dans le mouvement des « Indignés ». Il y a des références, des Grecs aux Espagnols en passant par les Arabes. Il y a une culture commune qui est en train de se construire.

Interview d’Alain Bertho, professeur d’anthropologie à l’Université Paris 8 et animateur du site « anthropologie du présent », par Benjamin Harroch – Le Nouvel Observateur

Au bout de la route

Parallèle intéressant ici avec les émeutes en 2005 en France…

Il nous reste 4 mois pour dépasser le 1200 émeutes de l’année dernière. Au rythme où vont les choses, on va surement facilement le dépasser.

Jo ^^

Tour d’horizon de quelques pays:

Portugal
Durement frappé par la crise financière depuis 2008, le pays détient le record des inégalités sociales en Europe. Les mesures d’austérité imposées par le plan de sauvetage financier de l’Union européenne et du FMI, en mars dernier, ont encore accru les tensions liées aux baisses de salaire, économies drastiques, hausses de TVA, auxquelles les Portugais sont confrontés depuis trois ans pour réduire leurs déficits publics. Le pays a connu des grèves massives à répétition depuis 2010. Plus de 3 millions de Portugais, soit plus d’un quart de la population, ont ainsi fait grève en 2010 contre la rigueur. « Génération dans la dèche », un groupe créé sur Facebook par des jeunes sans emploi ou en situation précaire, a organisé le 12 mars dernier une manifestation qui a débouché sur le plus grand mouvement social de l’histoire portugaise avec 400 000 manifestants.

Espagne
Le taux de chômage moyen est de 20,8 % (5 millions de chômeurs) et atteint 34, 7 % chez les moins de 30 ans et 44 % chez les moins de 25 ans. Le mouvement « 15-M » est né le 15 mai dernier. Les Indignés occupent la Puerta del Sol, place emblématique de Madrid. Des dizaines de milliers d’Espagnols de tous âges et de tous horizons se mobilisent contre le chômage et la corruption des partis politiques. Le mouvement a touché 60 communes et a fait perdre les élections locales au PSOE, le 22 mai.
Après avoir occupé un mois durant la Puerta del Sol, ils y sont de retour depuis le 6 août et sont mobilisés contre le budget des JMJ, jugé démesuré en temps de crise, et la venue du pape à Madrid.

Grèce
Taux de chômage record à 16,6%

Depuis la mort du jeune Alexandros Grigoropoulos, tué par la balle d’un policier le 6 décembre 2008, qui avait provoqué de violentes émeutes, des troubles urbains se produisent régulièrement en Grèce et des jeunes de l’ultra-gauche affrontent la police. Depuis le 25 mai dernier, calqué sur le mouvement des Indignés espagnols, les Grecs descendent dans la rue par milliers pour protester contre les mesures d’austérité dictées par les créanciers du pays pour faire face à la crise qui frappe durement le pays. Près d’un tiers de jeunes se retrouvent au chômage.

Angleterre
Le 30 juin dernier : manifestation monstre contre la politique d’austérité du gouvernement, qui se termine par des affrontements.
Jeudi 4 août : un père de famille de 29 ans, Mark Duggan, est tué par balle par la police lors d’une opération des forces de l’ordre. Membre d’un gang, il était surveillé, mais l’enquête montrerait que la police aurait ouvert le feu sans avoir été attaquée.
Samedi dernier, à l’issue d’une manifestation contre sa mort, de premiers incidents éclatent à Tottenham.

Hors Europe : Israël
Samedi dernier, pour la troisième semaine consécutive, 300 000 personnes ont manifesté à Tel-Aviv contre la précarité et pour davantage de justice sociale.

Bientôt la France, les États-Unis, Le Canada???

Source

Au bout de la route

trouvé sur l'éveil 2011