Depuis quelques semaines, une vidéo appelant à l'arrestation d'un rebelle ougandais se répand comme une traînée de poudre...
De nombreux internautes ont reçu ces derniers jours cette vidéo, renvoyant vers une campagne baptisée KONY 2012 et appelant à l’arrestation et à la traduction en justice pour crime contre l’humanité de Joseph Kony, chef d’un groupe d’un groupe de rebelles extrémistes ougandais.
Chef du groupe rebelle "L’Armée de résistance du Seigneur" (LRA), Joseph Kony est effectivement un criminel, recherché depuis 2005 par la Cour pénale internationale pour crimes de guerre et crime contre l’humanité. Son groupe armé s’est donné pour mission de renverser le président ougandais Yoweri Museveni et d'instaurer une dictature chrétienne, basée sur la Bible.
La LRA est également connue pour sa barbarie, ses massacres de civils, ses enlèvements d’enfants, ses viols, destructions, pillages… Elle serait composée à 80% d’enfants soldats, pris à leur famille et forcés à se battre. Au sein de cette milice, Joseph Kony fait figure non seulement de chef militaire, mais également de leader religieux, voire de "prophète".
Des professionnels du buzz
Rien d’étonnant donc, à ce qu’une campagne appelant à son arrestation soit lancée. Ce qui l’est plus, c’est l’étonnant succès qu’elle rencontre depuis la mise en ligne le 20 février de la vidéo. Il faut dire que, plus qu’une vidéo, il s’agit d’un véritable petit film de propagande de 30 minutes particulièrement efficace et vu, à ce jour, par plus de 50 millions d’internautes.De plus, les responsables d’Invisible Children, l’association qui a réalisé la vidéo, semblent particulièrement efficaces lorsqu’il s’agit de faire "buzzer" un sujet. Ces derniers jours, certains internautes ont eu ainsi la surprise de voir régulièrement apparaître le nom de Joseph Kony dans les hashtags les plus populaires. Aux Etats-Unis, la campagne a même réussi à percer sur le devant de la scène médiatique après avoir été relayée par de nombreux peoples tels que Justin Bieber ou le rappeur Diddy.
Le rappeur Soulja Boy a quant à lui été jusqu’à composer une chanson sur le sujet intitulée "Stop Kony". La page Facebook de la campagne, elle, affiche plus de 2,5 millions de fans. Et le buzz, qui a finalement fini par traverser l’Atlantique, se propage ces derniers jours en France avec de longs articles publiés par plusieurs médias français.
Un association "trompeuse" et "dangereuse"
Mais voilà, peu de gens ont pris le temps de se pencher réellement sur le cas de Joseph Kony, et surtout sur les buts réels de la mystérieuse association. Car Invisible Children est avant tout une association controversée qualifiée, comme le rappelle le site Daily What, de "trompeuse", "naïve" et "dangereuse" par un professeur de Yale, et accusée de "manipuler les faits dans un but stratégique" par la très sérieuse revue Foreign Affairs.Car il faut savoir que Joseph Kony est déjà activement recherché par Interpol, et on voit mal en quoi cette campagne pourrait accélérer le travail des enquêteurs. Les Etats-Unis, de leur côté, sont déjà activement engagés dans la lutte contre la LRA et ont encore récemment envoyé des troupes pour combattre ces extrémistes. Alors, quel intérêt à mobiliser l’opinion internationale et à lancer un appel aux dons ?
Grant Oyston, un étudiant canadien outré par cette campagne, a mis en ligne le 7 mars un blog intitulé "Visible Children "dans lequel il affirme :
Le groupe est en faveur d’une intervention militaire directe, et leur argent soutient l’armée du gouvernement ougandais et divers autres forces militaires."
A l’appui de ses accusations, Grant Oyston a mis une ligne une photo sur laquelle on peut voir les fondateurs d’Invisible Children poser avec des armes en compagnie de membres de l’Armée populaire de libération du Soudan (SPLA), une milice soutenue par le gouvernement ougandais. Or, les militaires ougandais et les miliciens soudanais sont, eux-aussi, réputés pour leurs violences et ont déjà été accusés de viols et de pillages. De plus, depuis sa mise en accusation, Joseph Kony semble avoir quitté l’Ouganda et serait, selon certaines sources, réfugié quelque part en Centrafrique.Ces soupçons sont encore renforcés par les aspects financiers d’Invisible Children. En effet, l’association n’a été noté que deux étoiles par Charity Navigator, un organisme chargé d’évaluer la fiabilité financière des ONG et à qui Invisible Children a refusé l’accès à ses comptes. L’association reconnaît elle-même que seuls 31% des dons qu’elle reçoit sont directement utilisés sur le terrain.
Par Jérôme Hourdeaux
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire