lundi 29 juillet 2013

Les énormes mensonges de Tepco sur les conséquences de la catastrophe de Fukushima


Plus de deux ans après la catastrophe de Fukushima, la multinationale Tepco, en charge de la centrale, est rattrapée par des révélations quant aux véritables effets des radiations sur les employés du site. Le moment est pour le moins mal choisi, alors que le Premier ministre japonais s’évertue à vanter les mérites du nucléaire pour l’avenir économique du Japon.


La catastrophe nucléaire survenue en mars 2011 au Japon ne cesse depuis de provoquer des remous au sein l’industrie nucléaire autrefois omniprésente et omnipotente – mais également parmi les agences gouvernementales qui l’ont aidée et soutenue. Pourtant, ces dernières continuent à rester discrètes et à minimiser les conséquences de la triple explosion des réacteurs de la centrale de Fukushima Daiichi.
Dernière révélation en date : le nombre d’ouvriers ayant développé des cancers – induits par l’inhalation de substances radioactives ayant affecté leur glande thyroïdienne dans les premiers temps survenus après la catastrophe – serait en fait onze fois supérieure à celui annoncé en décembre.
Ce ne sont pas 178 employés, comme l’a affirmé la multinationale TEPCO, renflouée et contrôlée en partie par l’Etat, mais 1973 employés qui auraient déclaré un cancer, selon les informations apprises par l’Asahi Shimbun.
En dépit de son prestige et de sa puissance d’autrefois, couacs et imprévus se sont accumulés pour TEPCO, laissant l’opérateur désœuvré. Par exemple, à la mi-mars, TEPCO a révélé qu’un mois plus tôt, un poisson avec un taux de 740 000 becquerels de césium radioactif par kilo a été retrouvé à proximité de la centrale. C’est 7 400 fois la limite officielle imposée par les règles gouvernementales en matière de sécurité alimentaire, un niveau jamais mesuré par TEPCO. Le précédent record enregistré par l’entreprise sur un poisson s’élevait à 510 000 becquerels. Et dire qu’ils font partie de la chaîne alimentaire…

Plus tôt dans la semaine, des chercheurs ont établi que plusieurs loups de mer péchés au large des côtes d’Hitachi, une ville située à une centaine de kilomètres de la centrale – non loin de Tokyo – présentaient un niveau de césium de 1 037 becquerels par kilo, soit plus de 10 fois la limite officielle fixée par les autorités en charge de la sécurité alimentaire. C’est la première fois depuis avril 2011 que de tels niveaux de contamination ont été enregistrés dans la région. Les chercheurs ont reconnu n’avoir aucune idée de ce qui pourrait expliquer la hausse de ce niveau, plus de deux ans après l’accident.
Hélas, le niveau de césium-134 et de césium-137 dans les nappes phréatiques sous la centrale a commencé à augmenter début juillet. Mesurés le 8 juillet, les niveaux de radioactivité étaient 90 fois supérieurs à ceux enregistrés trois jours auparavant et ont dépassé de 200 fois la limite autorisée pour ce qui est des nappes phréatiques. TEPCO a bien été embarrassé. « Nous ne savons pas si de l’eau radioactive se déverse la mer », a déclaré un membre de la compagnie.
Le 19 juin, TEPCO avait déjà admis que la teneur en strontium-90 des nappes phréatiques avait augmenté de plus de 100 fois entre décembre et mai, le strontium était un dérivé très toxique issu de la fission de l’uranium et du plutonium ; et que le niveau de tritium, un agent radioactif moins dangereux, avait augmenté de 17 fois. Lorsque les niveaux de césium ont atteint leur pic au début du mois, TEPCO a admis du même coup que le niveau de tritium dans la mer avait atteint 2 300 becquerels par litre, le plus haut taux jamais détecté, soit le double de celui mesuré deux semaines auparavant.
Tout ceci est survenu à un bien mauvais moment : TEPCO refroidit les réacteurs grâce à un flot continu d’eau – 400 tonnes de mètres cube d’eau par jour – et stocke ensuite l’eau contaminée dans des réservoirs installés sur le site. Mais certains d’entre eux présentant des fissures ont permis à une partie de l’eau de s’échapper, conséquence d’un travail bâclé. De plus, TEPCO ne peut pas construire de réservoirs à l’infini afin de stocker un flot sans fin d’eau. La multinationale cherche donc à obtenir l’autorisation de déverser l’eau contaminée dans le Pacifique. Du moins, tout ce qui ne s’est pas encore déversé dedans.
Telle est ce qui sous-tend la révélation reconnaissant que l’affirmation de TEPCO en décembre dernier, selon laquelle l’entreprise affirmait que seulement 178 employés présentaient un taux de radioactivité supérieur au maximum autorisé de 100 millisieverts – leurs taux ayant grimpé jusqu’à 11 800 millisieverts – était un mensonge.
TEPCO n’a même pas pris la peine d’étudier la question. En dépit des avertissements lancés par des experts internationaux sur les risques d’exposition aux radiations, l’entreprise n’a ouvert aucune enquête au sujet des doses radioactives contenues dans les glandes thyroïdiennes. Il a fallu attendre que s’exerce la pression internationale pour qu’une telle initiative soit enfin lancée. Après avoir finalement collecté les données sur 522 employés – sur les 19 592 ayant travaillé à la centrale depuis sa mise en service, parmi lesquels 16 302 ont souvent été embauchés par des employeurs et des sous-traitants peu scrupuleux. Les résultats ont été transmis à l’OMS l’année dernière, alors TEPCO refusait encore de les révéler publiquement, du moins pas avant que l’OMS ne déclare son intention de les publier. Ceci explique donc l’annonce faite en décembre dernier.
Cependant, personne ne crut aux résultats. Le Comité scientifique de l’ONU sur les effets des radiations nucléaires a remis en cause la fiabilité des données ; et le ministre japonais de la Santé pressa TEPCO de revoir la présentation de ses données. Ce qu’elle fit au final. Selon l’Asahi Shimbun :
« TEPCO et ses entreprises partenaires n’ont pas seulement réévalué les interprétations faites des tests sur les doses d’éléments radioactifs contenues dans les glandes thyroïdiennes, mais ont également mesuré ces doses alors que la quantité d’iode radioactive dans le corps était nulle. Ces estimations étaient basées sur les quantités de césium inhalées, le rapport entre iode et césium respirés dans l’air au cours de leurs journées de travail, et d’autres données. La dernière étude a révélé que ces doses dépassaient le seuil des 100 millisieverts chez 1973 employés. »
Pendant combien de temps TEPCO a-t-il traîné des pieds ? Alors que la plupart des expositions ont eu lieu durant les premiers temps suivant la catastrophe, TEPCO a mis 28 mois pour admettre que près de 2 000 de ses employés ont développé un cancer en raison des doses radioactives contenues dans leur glandes thyroïdiennes. Les employés eux-mêmes ont déclaré à l’Asahi Shimbun que TEPCO « n’avait divulgué que peu, voire pas d’information du tout » sur le sujet.
Quand le moment d’agir est venu, TEPCO fit tout son possible pour aider ces employés. « Nous aiderons financièrement et psychologiquement tous les travailleurs devant passer des tests annuels pour leurs glandes thyroïdiennes lorsqu’ils présentent des taux supérieurs à 100 millisieverts », a expliqué un responsable de la communication. « Nous avons déjà identifié ceux qui sont éligibles à ces contrôles ».
Fidèle à sa réputation d’entreprise omnisciente, TEPCO n’a pas eu connaissance du nombre d’ouvriers ayant subi des examens. Et que serait-il passé si des anomalies avaient été détectées au cours des examens ? TEPCO n’a pas communiqué sur la question. De concert avec TEPCO, le ministre de la Santé lui-même n’a pas vérifié les doses radioactives contenues dans les glandes de la thyroïde des employés ; ce serait à TEPCO de le faire, sur « la base du volontariat ».
Certains travailleurs se sont plaint que TEPCO ne leur ait pas expliqué précautionneusement les risques de radiation sur les glandes thyroïdiennes; et certains employés recrutés par des sous-traitants ont signalés ne jamais avoir été informés des doses de radiation, ni même de l’existence de tels tests.
En juillet, Masao Yoshida, le directeur de la centrale, meurt d’un cancer de l’œsophage à 58 ans. Il est resté à la centrale pendant les neuf mois qui ont suivis l’accident, faisant tout son possible pour minimiser les risques et prévenir la surchauffe des réacteurs. Il réussit également à empêcher que ne se produise un désastre encore plus important. Il démissionna en décembre 2011, après avoir été hospitalisé en raison de son cancer déclaré.
TEPCO, soudainement redevenu omniscient et fidèle aux pratiques de l’industrie atomique, annonça que sa mort n’était en rien liée aux radiations. Comme dans tous les cas similaires, personne ne peut prouver le contraire ; il est impossible de déterminer ce qui a provoqué exactement le cancer de chacun – un prétexte derrière lequel se cache l’industrie nucléaire.
« Qui peut croire une telle entreprise ? », déclare Hirohiko Izumida, le gouverneur de la préfecture de Niigata, suite à la décision prise le 2 juillet par la direction de TEPCO de rouvrir deux réacteurs à la centrale de Kashiwazaki-Kariwa, située dans sa préfecture, et ce en dépit d’une enquête montrant que seulement 27% des habitants de la préfecture soutenaient cette décision. « Il n’y a pas pire mépris pour les habitants de la région que cela », se lamente le gouverneur.
Le 17 juillet, des chercheurs de la Tokyo Woman’s Christian University ont présenté au bureau du cabinet de la Commission pour l’énergie atomique une nouvelle étude. Parmi tous les résultats, l’étude révèle que 87% des Japonais souhaitent que le Japon sorte du nucléaire, soit en l’abandonnant dès que possible (33%) ou de façon progressive (54%). Et un bon tiers pense que les informations communiquées par le gouvernement sur le nucléaire demeuraient les moins fiables.
Mais le Premier ministre Shinzo Abe est un partisan coriace de l’industrie nucléaire (bien que son avis ne soit pas partagé par tous les membres de son foyer…). Rétablir la gloire de l’industrie nucléaire fait partie des priorités devant être rendues possibles grâce aux Abenomics – en dépit du fait que le véritable coût de l’énergie nucléaire pèsera lourdement sur l’avenir de l’économie japonaise, et donc sur les générations futures.
On ne cesse de nous répéter que ce type de catastrophes nucléaires est très rare. Mais lorsqu’elles se produisent, leur coût est extrêmement élevé. Tellement élevé que le gouvernement français, alors que ces estimations commençaient à remonter, préféra les garder secrètes. Le rapport a néanmoins fuité : le coût total, à terme, d’une telle catastrophe survenue dans un environnement peu peuplé, pourrait coûter près de trois fois le PIB de la France.
Atlantico.fr

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