"Il est temps de se réveiller : l'ère des ressources abondantes et de la baisse des prix est finie pour toujours." Tel est l'avertissement lancé par l’un des analystes financiers les plus respectés de la planète, Jeremy Grantham. A la tête du fonds d'investissements GMO de Boston, gestionnaire de plus de 100 milliards de dollars de capitaux, M. Grantham estime que la croissance de la demande mondiale de matières premières surpasse "à un rythme alarmant" la croissance de l'offre.
Un "changement de paradigme" est très probablement en train d'avoir lieu, "peut-être l'événement économique le plus important depuis la révolution industrielle", avance l'investisseur britannique, célèbre pour avoir anticipé la bulle internet et la bulle des subprimes.
Jeremy Grantham écrit dans la lettre trimestrielle de GMO parue en avril :
"La croissance de la population, la multiplication par dix de la richesse dans les pays développés, et l'actuelle croissance explosive dans les pays en développement ont rapidement entamé nos ressources finies en hydrocarbones, en métaux, en fertilisants, en terres arables et en eau."
La suite de l'argumentaire de M. Grantham tranche radicalement avec le discours attendu de la part d'un financier, aussi avisé et atypique soit-il :
"Le fait est qu'aucune croissance cumulée continue n'est soutenable. Si nous continuons désespérément à nous concentrer sur la croissance, nous allons nous retrouver à court de tout, y compris d'argent. Nous devons substituer la croissance qualitative à la croissance quantitative.
Mais Mme Marché est en train de nous aider, et en ce moment, elle nous envoie la mère de tous les signaux prix. Les prix de toutes les matières premières importantes, à part celui du pétrole, ont décru de 70 % en moyenne en cent ans, jusqu'en 2002. De 2002 à aujourd'hui, ce déclin a été entièrement effacé par une hausse des prix plus forte que celle qui a eu lieu au cours de la seconde guerre mondiale."
M. Grantham expose sa thèse :
"Statistiquement, les prix de la plupart des matières premières sont désormais tellement éloignés de leur tendance baissière antérieure, qu'il est très probable que cette tendance ancienne se soit modifiée ― qu'un changement de paradigme soit en cours ― peut-être l'événement économique le plus important depuis la révolution industrielle."
Pourquoi le pétrole fait-il exception dans la baisse tendancielle des prix des matières premières constatée jusqu'en 2002 ? Evoquant le spectre du 'peak oil’, Jeremy Grantham explique que, dans le cas du pétrole ("de loin la plus importante des matières premières"), le changement de paradigme qu'il décrit a débuté il y a longtemps déjà : en 1974, lors du premier choc pétrolier.
Rappelant l'expertise de GMO dans la prédiction des bulles spéculatives, Jeremy Grantham tente de montrer que, justement, la hausse du prix des matières premières depuis 2002 n'est en rien une bulle. Pour asseoir sa thèse, il met en avant les résultats d'un calcul de probabilité visant à déterminer si, oui ou non, les principales matières premières se trouvent encore fondamentalement sur leur tendance séculaire à la baisse visible jusqu'en 2002, et ce malgré la hausse constatée depuis.
Les résultats obtenus par GMO paraissent sans appel.
Le minerai de fer aurait, par exemple, une chance sur 2,2 millions de se situer encore sur la tendance baissière antérieure à 2002, le pétrole une chance sur 160, le nickel une chance sur 290, le blé une chance sur 120, le phosphate une chance sur 56, etc. Le gaz naturel fait partie des exceptions, sans doute à cause du boum des gaz de schiste, avec seulement une chance sur 2 :
Quelques grands titres de la presse financière internationale ont fait état de l'analyse radicale proposée par Jeremy Grantham et GMO. Mais bien peu se sont risqués à en faire la critique. Un blog du Financial Times se contente de qualifier cette analyse de "fascinante". Sur l'un des blog du Wall Street Journal, Alen Mattich juge avec prudence que Jeremy Grantham "a peut-être raison d'affirmer que la tendance au déclin relatif du prix des matières premières a ralenti, ou qu'elle s'est arrêtée. Mais dire que cette tendance s'est complètement renversée au cours de la dernière décennie, c'est, je pense, aller un peu loin."
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