jeudi 26 mai 2011

Recycler le phosphore issu des déchets d'élevage

colza_BretagneChamp de Colza en Bretagne
© C. Magdelaine / notre-planete.info
Produit de l'exploitation des gisements de phosphate, le phosphore est un élément chimique indispensable à la vie. En agriculture, son utilisation sous forme minérale permet d'optimiser la croissance des plantes et des animaux d'élevage. Mais mal utilisé ou épandu en excès, il devient rapidement un problème pour l'environnement.
Ainsi dans les zones de cultures ou d'élevage intensif, plus de la moitié du phosphore présent dans les cours d'eau proviendrait de ces pollutions diffuses d'origine agricole. Il faut y ajouter les rejets via les eaux usées, de phosphore provenant de l'utilisation de détergents. Résultat de ces excès, l'eutrophisation des cours d'eau et le développement de certaines bactéries responsables de la dégradation de la qualité de l'eau, ce qui compromet non seulement la pêche et la pisciculture, mais également la baignade et la consommation de cette eau.
Certes, la mise en place de la réglementation sur l'épandage de produits phosphorés conduit les agriculteurs à réduire les apports de fertilisants. Pour autant, dans une région comme la Bretagne, qui est une zone d'élevage intensif, la quantité de phosphore, mais aussi d'azote, produite via les déjections animales et utilisable comme fertilisant, s'avère supérieure au besoin réel des cultures. D'où l'idée des chercheurs du Cemagref de Rennes de recycler le lisier afin de récupérer le phosphore sous forme exportable en dehors de ces zones d'élevage intensif, limitant ainsi les pollutions.
D'ores et déjà, une équipe a conçu un procédé en quatre étapes grâce auquel on peut séparer le phosphore de la matière organique à laquelle il est associé dans les effluents. Première de ces étapes, la dissolution du phosphore par l'acide formique. Celle-ci permet ainsi de le récupérer dans la phase liquide. Suit alors une seconde étape consistant à séparer la phase solide de la phase liquide contenant le phosphore. Vient ensuite une troisième étape dite de "précipitation chimique", par ajout de magnésie, l'objectif étant de provoquer la cristallisation du phosphore. Reste alors la quatrième et dernière étape de ce procédé, une étape de filtration afin de récupérer le phosphore sous forme minérale qui permet ensuite son utilisation comme engrais. Précisons que plus les cristaux obtenus sont gros, plus ils sont faciles à filtrer et à sécher.
D'où les travaux d'optimisation de ce procédé menés aujourd'hui par les chercheurs du Cemagref qui passent par l'amélioration de l'étape de séparation qui précède l'étape de précipitation. Une décantation simple permet de recycler jusqu'à 50% du phosphore, sachant que les cristaux obtenus son suffisamment gros pour être retenus par le filtre. En revanche, une autre technique qui fait appel à l'ajout d'un polymère complétée d'une phase d'égouttage avant la précipitation, conduit au recyclage d'environ 80% du phosphore. Seul problème, les cristaux sont alors de plus petite taille et, par conséquent, difficiles à retenir sur le filtre. Les chercheurs du Cemagref s'intéressent donc à cette phase de cristallisation afin de déterminer quelles sont les meilleures conditions de croissance des cristaux.
Autre verrou, économique cette fois-ci, dans le développement de ce procédé, sa première étape, c'est-à-dire la dissolution acide, dont le coût reste élevé au regard du prix actuel de l'engrais recyclé, peu compétitif par rapport à celui des engrais chimiques importés. Pour autant, cette tendance devrait s'inverser au cours des prochaines décennies du fait de l'augmentation, non seulement du prix des engrais liée à l'épuisement progressif des gisements de phosphate existants, mais aussi des coûts d'exploitation de minéral. Même si les études divergent, on estime généralement que les réserves de phosphore encore exploitables aujourd'hui pourraient être épuisées d'ici un siècle.

Rédacteur: Jean-François Desessard

notre-planete.info

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