mardi 24 janvier 2012

Mexique : touchés par le gel puis la sécheresse, des Indiens menacés par la faim

Des enfants raramuris reçoivent de la nourriture distribuée par la Croix rouge mexicaine, le 21 janvier 2012 à Pitoreal, dans l'etat du Chihuahua © AFP Yuri Cortez
CREEL (Mexique) (AFP) - D'une voix à peine audible, un jeune indien demande : "Vous avez de la nourriture ? J'ai faim". Plus de 220.000 Raramuris, une ethnie du nord du Mexique, sont menacés de famine en raison du manque d'eau, après les gels de l'hiver suivi d'une sécheresse record cet été.

Faible et épuisé, Eusevino Pausen se présente aux portes d'une fondation de la Sierra Tarahumara, dans l'Etat de Chihuahua, une chaîne montagneuse émaillée de petits villages distants de plusieurs heures de trajet. Pour venir de El Tejaban, son village, jusqu'à Creel, un des bourgs les plus importants de la Sierra, Eusevino raconte qu'il a marché huit heures.
"Il n'y a pas de nourriture, il n'y a pas de travail", relate-t-il, situation récurrente mais généralement ignorée dans cette zone isolée de 65.000 km2.
Cependant, à l'approche des élections présidentielles de juillet, la dure réalité de cette communauté focalise aujourd'hui l'attention du pays après que mi-janvier eurent couru des rumeurs - démenties depuis - de suicides par grèves de la faim d'une cinquantaine de Raramuris.
Ces bruits ont prospéré sur fond de sécheresse, que le président Felipe Calderon a estimé être la pire depuis des décennies, cumulée au déficit hydrique de l'hiver en raison du gel, privant les torrents d'alimentation en eau et les habitants de leurs maigres cultures de subsistance.
Octavio Hijar, l'un des responsables de la fondation, explique à l'AFP qu'on n'a pour l'heure signalé ni suicide ni cas de malnutrition sévère mais qu'on constate effectivement "une pénurie alimentaire, à cause de l'absence de neige puis de pluie" et avertit que "de mars à juin, ça va s'aggraver".
Outre le climat, la zone pâtit également de la présence du crime organisé, qui contrôle la région et notamment la ville la plus peuplée de l'Etat, Ciudad Juarez, frontalière avec les Etats-Unis, et la plus meurtrière du pays, avec 1.206 homicides de janvier à septembre, selon des chiffres officiels.
En conséquence, les touristes qui venaient admirer les colossales formations rocheuses de la Sierra, ses lacs, ses cascades et ses canyons cuivrés ont déserté la région et sa violence, provoquant une hémorragie des offres d'emploi.
Les Raramuris, terme qui signifie "pieds légers" et reflète la nécessité de marcher sur de longs trajets, s'étaient installés dans cette région difficile d'accès afin de fuir les conquistadors espagnols.
"Nous n'avons pas de nourriture. Ni maïs, ni haricot et nous n'en avons quasiment pas eu de l'année", affirme Julia Placido, une Indienne de moins de 20 ans, son fils dans les bras, attendant au côté de centaines de personnes de recevoir une aide alimentaire, dans le village de Samachique.
La scène se répète dans de nombreuses communautés, ont pu constater des journalistes de l'AFP. De longues files d'hommes et de femmes de tous âges, enveloppés de couvertures multicolores pour se protéger du froid et charriant comme ils le peuvent les paquets qu'ils viennent de recevoir. Certaines mères ouvrent sur le champ les boîtes de lait, afin de nourrir leurs enfants.
"Nous ne sommes jamais parvenus à susciter un tel degré d'attention", raconte la missionnaire Sandra Luz Cerda, native de Ciudad Juarez et qui depuis quatre ans gère un centre d'accueil à Guacayo. Mais elle affirme que les problèmes de décès dus à la faim ne sont pas nouveau et estime que "l'idéal serait que (les Raramuris) deviennent autosuffisants".
Selon Cesar Duarte, gouverneur de l'Etat venu présider une distribution d'aide alimentaire, si l'absence de pluie "n'a pas permis de générer la vie" malgré tout, "(...) en 2011, seulement 28 personnes sont mortes de dénutrition", contre 47 en 2010.
© AFP
Good Planet
Trouvé sur Scoop it

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