jeudi 16 février 2012

La plus importante extinction massive du vivant : une mort à petit feu

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Paléogéographie durant la crise du Permien, il y a 252 millions d'années
© Thomas Algeo
L'extinction massive de la biodiversité la plus dévastatrice qu'ait connue notre planète s'est déroulée par étapes, décimant 90% de la vie sur Terre, selon une nouvelle étude publiée début février dans l'America Bulletin de la Geological Society. Cette analyse montre ainsi que les extinctions de masse ne sont pas nécessairement des événements brutaux.
Thomas Algeo, géologue à l'Université de Cincinnati, assisté de 13 collègues ont publié une étude(1) détaillée d'une coupe géologique à la frontière Permien-Trias située dans l'île d'Ellesmere dans l'arctique canadien (notée WBF sur la carte). Leur analyse montre que l'extinction de masse la plus importante qu'ait connu la Terre s'est étalée sur des centaines de milliers d'années.
Il y a environ 252 millions d'années, à la fin du Permien, toute vie avait pratiquement disparu de la Terre. Environ 90 % de toutes les espèces vivantes ont alors disparu suite à ce que les scientifiques appellent "La Grande extinction."
Le professeur Algeo et des collègues ont dédié une décennie à analyser les composés chimiques retrouvés dans des formations rocheuses remontant à cette grande extinction.
Le monde mis au jour par leur recherche est celui d'un paysage dévasté, dépourvu de toute végétation et raviné par l'érosion causé par les pluies acides. D'immense "zones mortes" gangrenaient les océans alors que les températures avaient atteint des niveaux insoutenables à cause d'un puissant effet de serre.
On croirait dévoiler une vision apocalyptique du futur que nos sociétés incensées projettent, mais il s'agit bien d'un formidable bond dans le passé géologique et biologique de notre planète, il y a 252 millions d'années.

Un volcanisme majeur pendant un million d'années

Les éléments étudiés par le professeur Algeo et ses collègues permettent de penser que des éruptions volcaniques de très grande ampleur en Sibérie ont joué un rôle dans cette extinction. "Les scientifiques font le lien entre cette extinction et les trapps(2) de Sibérie, qui ont probablement d'abord touché la vie boréale en raison des gaz toxiques et des cendres," indique le Dr H. Richard Lane, directeur de programme à la Division La Sciences de la terre de la National Science Foundation (NSF), qui a financé la recherche.
Les trapps de Sibérie s'étendent sur une large zone volcanique. L'épisode volcanique qui a formé les trapps est le plus important qu'ait connu la Terre au cours de son histoire géologique et s'étale sur un million d'années à la frontière entre le Permien et le Trias.
Une grande partie du territoire occidental de la Sibérie présente des dépôts volcaniques d'une épaisseur allant jusqu'à cinq kilomètres et d'une surface équivalente à celle du continent Etats-Unien ! De plus, la lave s'est déversée à travers un énorme dépôt de charbon, détruisant toute vie. En effet, "l'éruption, en traversant la masse de charbon, a libéré d'énormes quantités de méthane," explique le Dr Algeo. Or, le méthane est un gaz à effet de serre 30 fois plus puissant que le dioxyde de carbone. "Nous ne savons pas combien de temps l'effet de serre a duré, mais il semble bien que ce soit plusieurs dizaines ou même centaines de milliers d'années." De quoi modifier profondément le climat de l'époque.

La thèse de l'extinction soudaine est remise en question

Les océans ont englouti une bonne partie des indices qui nous permettraient d'en savoir plus, et le Dr Algeo et ses collègues les interprètent en observant les sédiments marins fossilisés.
Les recherches antérieures étaient concentrées sur les sédiments d'un océan aujourd'hui disparu, le Téthys, ancêtre de l'Océan indien. Ces sédiments, notamment en Chine du sud, révèlent une extinction brutale des organismes vivant à la fin du Permien. "Dans les sédiments marins de surface, l'ultime extinction de masse du Permien apparaît comme un phénomène à la fois global et soudain," rapporte le Dr Algeo. "Ces indications ont généralement conduit à la conclusion que l'extinction était un phénomène global et synchrone." ajoute t-il.
Le Dr Algeo et les co-auteurs de l'étude ont étudié les formations rocheuses du Fiord de West Blind dans l'île d'Ellesmere de l'arctique canadien. A la fin du Permien, cette zone était bien plus proche des volcans sibériens que les sites du sud de la Chine.
La formation rocheuse canadienne, haute de 24 mètres, remonte à une époque qui recouvre la frontière Permien-Trias et donc celle de la dernière extinction de masse du Permien.
Les chercheurs ont étudié l'évolution des roches de bas en haut, analysant la composition chimique des roches et fossiles qu'elles renferment.
Ils ont observé une extinction totale des éponges siliceuses environ 100 000 ans avant l'extinction massive de la vie marine observée dans les sites Téthysiens.
D'après le Dr Algeo et ses collègues, il semble qu'au début de l'activité volcanique en Sibérie, les gaz et les cendres toxiques soient restés confinés dans les latitudes septentrionales.
Les effets ne se sont propagés aux latitudes tropicales de l'Océan Tethys que beaucoup plus tard, au plus fort de l'activité volcanique.

Notes

  1. Ces recherches ont été financées par le Conseil de recherches en sciences naturelles et en génie du Canada et la National Aeronautics and Space Administration Exobiology Program.
  2. Le terme "trapps" est dérivé du suédois trappa ou trapp (escaliers) et dénote la formation en espaliers du relief de cette région.

Source

Global Extinction: Gradual Doom as Bad as Abrupt - NSF
Traduction exclusive pour notre-planete.info : Michelle Vuillerot

Auteur

Christophe Magdelaine 
 notre-planete.info ; date originale : 15 février 2012, 14 h 59 - Tous droits réservés

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