Par (29 novembre 2011)
Alors que s’est ouverte une nouvelle conférence des Nations unies sur le changement climatique à Durban (Afrique du Sud) le 28 novembre, rien ne semble avancer : les engagements actuels de réduction des émissions de CO2 nous conduisent à une augmentation de la température globale de 4 °C minimum. Pour Pablo Solon, ancien négociateur en chef sur le changement climatique et ambassadeur de la Bolivie aux Nations unies, il est essentiel de définir à Durban un accord ambitieux, avec des engagements globaux. Car bientôt, il sera trop tard.
Cela fait presque un an que les résultats des négociations sur le climat à Cancún ont été imposés, malgré les objections de la Bolivie. Il est temps de faire le point et de voir où nous en sommes.
À Cancún, les pays développés ont fait la liste de leurs engagements de réduction d’émissions de gaz à effet de serre pour la période 2012-2020. Les États-Unis et le Canada ont annoncé qu’ils réduiraient leurs émissions de 3 % par rapport à 1990. L’Union européenne, entre 20 % et 30 %. Le Japon, 25 %. La Russie, entre 15 % et 25 % [1]. En ajoutant toutes les promesses de réduction des pays développés à l’horizon 2020, on obtient 13 % à 17 % de réductions d’émissions [2] par rapport à 1990.
Des millions de décès liés aux dérèglements climatiques
Selon le Programme des Nations unies pour l’environnement (Pnue), l’Institut d’Environnement de Stockholm et le propre secrétariat exécutif de la Convention sur le changement climatique, ces engagements de réduction d’émissions conduisent à une augmentation de la température globale d’environ 4 °C, ou plus [4 °C étant la moyenne mondiale, cela implique que pour certains continents comme l’Afrique, ce sera 8 °C...]. Soit deux fois plus que l’objectif fixé à Cancún de limiter la hausse des températures à 2 °C.
Avec une augmentation de la température globale de 2 ºC, le nombre de décès annuels liés aux dérèglements climatiques se comptera en millions, alors qu’il était déjà de 350 000 en 2009 [3]. Entre 20 % et 30 % des espèces végétales et animales disparaîtront. De nombreuses zones côtières, y compris les pays insulaires, seront recouverts par les eaux. Les glaciers des Andes – qui ont déjà diminué d’un tiers avec l’actuelle augmentation de la température de 0,8 °C – risquent de disparaître complètement.
Laisser faire, laisser passer ?
Imaginez ce que signifie une augmentation de la température moyenne mondiale de 4 °C ou plus ! Personne dans les négociations sur le changement climatique ne défend ou ne justifie une augmentation de cette ampleur. Pourtant, les négociations de Cancún ont ouvert la voie pour cela.
Quand la Bolivie s’est opposée à ce résultat, les négociateurs nous ont dit que l’important était de sauver le processus de négociation diplomatique. Et qu’à Durban, en 2011, on sauverait le climat. Quelques jours avant que la conférence de Durban ne commence, les choses n’ont pas bougé d’un pouce. Pire, certains annoncent qu’ils pourraient en rester au minimum de la fourchette de leurs engagements de réduction.
Durant l’année 2011, les négociations sur le climat qui se sont tenues en Thaïlande, en Allemagne et au Panama ont porté sur la forme plus que sur le contenu. Ce qui est en cours de négociation n’est pas de savoir comment augmenter les promesses de réduction d’émissions, mais quelles formes elles peuvent prendre.
« L’accord » de Cancún nous a fait passer d’un régime obligatoire avec des objectifs globaux de réductions d’émissions à un régime volontaire sans objectifs globaux. C’est comme si vous disiez aux habitants d’un petit village qui peut être détruit par une inondation : « Apportez les pierres que vous pouvez et nous verrons si le barrage sera suffisamment haut. » Alors qu’il faudrait définir d’abord la hauteur du barrage pour contenir la rivière, et en fonction de cela, attribuer à chaque famille le nombre de pierres qu’elle doit ramener pour que le barrage puisse sauver toute la population.
À Durban, ce régime volontaire du « laisser faire, laisser passer » va se discuter de deux façons : une des options est de mettre un terme au protocole de Kyoto et d’établir une liste des engagements de réduction d’émissions « que chacun souhaite ». L’autre option est de faire la même chose en vidant de son contenu le protocole de Kyoto. Dans les deux cas, l’accord vise à éliminer le protocole de Kyoto avant 2020.
Faire disparaître le protocole de Kyoto est un suicide
Pour mieux comprendre cette seconde voie, il faut rappeler que le protocole de Kyoto fixe un objectif global de réduction des émissions mondiales de 5,2 % pour la période 2007-2012. Pour limiter la hausse des températures à 2 °C, il faudrait réduire les émissions entre 25 % et 40 % pour la période 2013-2020, selon le Groupe d’experts intergouvernemental sur le climat (Giec) des Nations unies. Ce qu’ils veulent faire à Durban revient simplement à énumérer les « engagements de réduction volontaire », sans établir aucune référence à un objectif global, lui-même lié à une limite d’augmentation de la température globale.
Les partisans du maintien d’un protocole de Kyoto vidé de sa substance sont les pays qui ont peur de la réaction de leur opinion publique : « Au minimum, il faut donner l’illusion que le protocole de Kyoto se poursuit, pour rassurer nos électeurs. » La raison supplémentaire qui les amène à poursuivre avec un protocole de Kyoto vidé d’objectifs de réduction sont les mécanismes de marché de ce protocole, qui sont en train de s’effondrer.
Le protocole de Kyoto a beaucoup de faiblesses, mais le transformer en une coquille vide ou le faire disparaître lors des négociations de Durban est un suicide. La seule alternative responsable est de le préserver. Avec un objectif de réduction des émissions suffisant pour qu’elles n’entraînent pas un incendie de la planète.
Pablo Solon
Traduit de l’espagnol par Maxime Combes dans le cadre du projet Echo des Alternatives. Publié initialement le 17 novembre 2011 ici.
Bastamag
À Cancún, les pays développés ont fait la liste de leurs engagements de réduction d’émissions de gaz à effet de serre pour la période 2012-2020. Les États-Unis et le Canada ont annoncé qu’ils réduiraient leurs émissions de 3 % par rapport à 1990. L’Union européenne, entre 20 % et 30 %. Le Japon, 25 %. La Russie, entre 15 % et 25 % [1]. En ajoutant toutes les promesses de réduction des pays développés à l’horizon 2020, on obtient 13 % à 17 % de réductions d’émissions [2] par rapport à 1990.
Des millions de décès liés aux dérèglements climatiques
Selon le Programme des Nations unies pour l’environnement (Pnue), l’Institut d’Environnement de Stockholm et le propre secrétariat exécutif de la Convention sur le changement climatique, ces engagements de réduction d’émissions conduisent à une augmentation de la température globale d’environ 4 °C, ou plus [4 °C étant la moyenne mondiale, cela implique que pour certains continents comme l’Afrique, ce sera 8 °C...]. Soit deux fois plus que l’objectif fixé à Cancún de limiter la hausse des températures à 2 °C.
Avec une augmentation de la température globale de 2 ºC, le nombre de décès annuels liés aux dérèglements climatiques se comptera en millions, alors qu’il était déjà de 350 000 en 2009 [3]. Entre 20 % et 30 % des espèces végétales et animales disparaîtront. De nombreuses zones côtières, y compris les pays insulaires, seront recouverts par les eaux. Les glaciers des Andes – qui ont déjà diminué d’un tiers avec l’actuelle augmentation de la température de 0,8 °C – risquent de disparaître complètement.
Laisser faire, laisser passer ?
Imaginez ce que signifie une augmentation de la température moyenne mondiale de 4 °C ou plus ! Personne dans les négociations sur le changement climatique ne défend ou ne justifie une augmentation de cette ampleur. Pourtant, les négociations de Cancún ont ouvert la voie pour cela.
Quand la Bolivie s’est opposée à ce résultat, les négociateurs nous ont dit que l’important était de sauver le processus de négociation diplomatique. Et qu’à Durban, en 2011, on sauverait le climat. Quelques jours avant que la conférence de Durban ne commence, les choses n’ont pas bougé d’un pouce. Pire, certains annoncent qu’ils pourraient en rester au minimum de la fourchette de leurs engagements de réduction.
Durant l’année 2011, les négociations sur le climat qui se sont tenues en Thaïlande, en Allemagne et au Panama ont porté sur la forme plus que sur le contenu. Ce qui est en cours de négociation n’est pas de savoir comment augmenter les promesses de réduction d’émissions, mais quelles formes elles peuvent prendre.
« L’accord » de Cancún nous a fait passer d’un régime obligatoire avec des objectifs globaux de réductions d’émissions à un régime volontaire sans objectifs globaux. C’est comme si vous disiez aux habitants d’un petit village qui peut être détruit par une inondation : « Apportez les pierres que vous pouvez et nous verrons si le barrage sera suffisamment haut. » Alors qu’il faudrait définir d’abord la hauteur du barrage pour contenir la rivière, et en fonction de cela, attribuer à chaque famille le nombre de pierres qu’elle doit ramener pour que le barrage puisse sauver toute la population.
À Durban, ce régime volontaire du « laisser faire, laisser passer » va se discuter de deux façons : une des options est de mettre un terme au protocole de Kyoto et d’établir une liste des engagements de réduction d’émissions « que chacun souhaite ». L’autre option est de faire la même chose en vidant de son contenu le protocole de Kyoto. Dans les deux cas, l’accord vise à éliminer le protocole de Kyoto avant 2020.
Faire disparaître le protocole de Kyoto est un suicide
Pour mieux comprendre cette seconde voie, il faut rappeler que le protocole de Kyoto fixe un objectif global de réduction des émissions mondiales de 5,2 % pour la période 2007-2012. Pour limiter la hausse des températures à 2 °C, il faudrait réduire les émissions entre 25 % et 40 % pour la période 2013-2020, selon le Groupe d’experts intergouvernemental sur le climat (Giec) des Nations unies. Ce qu’ils veulent faire à Durban revient simplement à énumérer les « engagements de réduction volontaire », sans établir aucune référence à un objectif global, lui-même lié à une limite d’augmentation de la température globale.
Les partisans du maintien d’un protocole de Kyoto vidé de sa substance sont les pays qui ont peur de la réaction de leur opinion publique : « Au minimum, il faut donner l’illusion que le protocole de Kyoto se poursuit, pour rassurer nos électeurs. » La raison supplémentaire qui les amène à poursuivre avec un protocole de Kyoto vidé d’objectifs de réduction sont les mécanismes de marché de ce protocole, qui sont en train de s’effondrer.
Le protocole de Kyoto a beaucoup de faiblesses, mais le transformer en une coquille vide ou le faire disparaître lors des négociations de Durban est un suicide. La seule alternative responsable est de le préserver. Avec un objectif de réduction des émissions suffisant pour qu’elles n’entraînent pas un incendie de la planète.
Pablo Solon
Traduit de l’espagnol par Maxime Combes dans le cadre du projet Echo des Alternatives. Publié initialement le 17 novembre 2011 ici.
Bastamag
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