(© zigrit) |
Le Conseil d'Etat a annulé le 28 novembre la clause de sauvegarde interdisant la mise en culture en France du maïs MON 810. Le feu vert pour une reprise des cultures d'OGM ?
Par deux décisions en date du 28 novembre, la Haute juridiction française a annulé deux arrêtés du ministre de l'Agriculture suspendant, pour le premier, la cession et l'utilisation des semences de maïs génétiquement modifié MON 810, et interdisant, pour le second, la culture de ces variétés de semences.
Décision préjudicielle de la CJUE
Ces décisions font suite à l'arrêt du 8 septembre dernier, par lequel la Cour de justice de l'Union européenne (CJUE), répondant à une question préjudicielle renvoyée par le Conseil d'Etat, avait considéré que la clause de sauvegarde prise par la France était illégale.
La Cour avait considéré qu'un Etat membre ne pouvait prendre des mesures de suspension ou d'interdiction provisoire de l'utilisation ou de la mise sur le marché d'OGM, dont la demande de renouvellement est en cours d'examen, en application de la directive 2001/18. En revanche, elle avait estimé qu'il pouvait le faire sur le fondement du règlement 1829/2003 mais qu'il devait alors établir, non seulement l'urgence, mais aussi "l'existence d'une situation susceptible de présenter un risque important mettant en péril de façon manifeste la santé humaine, la santé animale ou l'environnement".
Pas de risque particulièrement élevé justifiant l'interdiction
Suivant la CJUE, le Conseil d'Etat considère que le ministre de l'Agriculture a commis une erreur de droit en fondant ses arrêtés sur la directive 2001/18. Mais, compte tenu de ses pouvoirs de juge de l'excès de pouvoir, il examine également la légalité des arrêtés sur le fondement du règlement 1829/2003. Sans plus de succès pour le ministre de l'Agriculture.
Le Conseil d'Etat relève que ce dernier n'a pu justifier de sa compétence pour prendre les arrêtés, faute d'avoir apporté la preuve de l'existence d'un niveau de risque particulièrement élevé pour la santé ou l'environnement. L'avis du comité de préfiguration de la Haute autorité sur les OGM, sur lequel il avait fondé ses décisions, se bornait en effet à faire état "d'interrogations quant aux conséquences environnementales, sanitaires et économiques possibles de la culture et de la commercialisation de MON 810". Ce qui est insuffisant aux yeux de la Haute juridiction administrative.
Les OGM de nouveau dans les champs au printemps ?
Réagissant à la décision du Conseil d'Etat, l'ONG Greenpeace France, par la voie de son directeur des campagnes, Sylvain Tardy, estime que "si le Gouvernement ne fait pas le nécessaire en mettant en place une nouvelle interdiction, on risque donc de voir réapparaître les OGM dans nos champs dès le printemps prochain".
Une crainte fondée. L'association Initiatives Biotechnologies Végétales (IBV), représentant les semenciers français, annonce effectivement vouloir reprendre la culture des OGM en France. "Aujourd'hui, il faut que les maïsiculteurs qui le souhaitent puissent cultiver les OGM autorisés en Europe, comme le stipule la loi française sur les OGM. Nous plaidons pour la liberté de choisir", a déclaré Philippe Gracien, porte-parole d'IBV.
La ministre de l'Ecologie, Nathalie Kosciusko-Morizet, réagissant à la décision de la CJUE en septembre dernier, avait déclaré que "si la clause française était annulée pour des questions procédurales, nous prendrions une nouvelle clause de sauvegarde selon la procédure jugée adéquate par la Cour de justice de l'Union européenne, car les questions environnementales, elles, demeurent sans réponse".
Mais le gouvernement français est-il encore en mesure de prendre une telle clause, alors que le Conseil d'Etat vient de considérer que les arrêtés étaient illégaux, y compris sur le seul fondement jugé acceptable par la CJUE ?
Pour Corinne Lepage, député européen et ancien ministre de l'Environnement, "il est inhabituel que des juges se prononcent sur le bien fondé scientifique d'une décision. En faisant cela, le Conseil d'Etat réduit encore la marge de manœuvre dont disposent les Etats membres sur les OGM. C'est d'autant plus regrettable que les décisions d'autorisation reposent en premier lieu sur une expertise européenne critiquée et entachée de conflits d'intérêt et qui, elle, ne peut faire l'objet d'aucun recours !". D'où son souhait de voir la législation européenne adaptée afin de donner aux Etats membres une base juridique solide pour interdire la culture d'OGM.
Note Télécharger l'arrêt du Conseil d'Etat Plus d'infos MON 810 : une clause de sauvegarde illégale mais des mesures d'urgence toujours possibles (article paru le 08/09/2011) La clause de sauvegarde prise par la France pour interdire la culture du maïs MON 810 est illégale selon la CJUE. Mais le Gouvernement peut adopter des mesures d'urgence équivalentes sur un autre fondement. Lire la news Directive Européenne du 12/03/2001 (2001/18/CE) Directive 2001/18/CE du Parlement européen et du Conseil du 12 mars 2001 relative à la dissémination volontaire d'organismes génétiquement modifiés dans l'environnement et abrogeant la directive 90/220/CEE du Conseil. La directive 2001/18/CE relative à la dissémination volontaire d'OGM dans l'environnement s'applique à deux types d'activités : - la dissémination expérimentale d'OGM dans l'environnement, c'est-à-dire l'introduction d'OGM dans l'environnement à des fins expérimentales (par exemple pour des essais en champ); - la mise sur le marché d'OGM, par exemple la culture, l'importation ou la transformation d'OGM en produits industriels. Elle introduit: - les principes applicables à l'évaluation des risques pour l'environnement; - des exigences de surveillance postérieure à la commercialisation, y compris en ce qui concerne les effets à long terme liés à l'interaction avec d'autres OGM et avec l'environnement; - l'obligation d'informer le public; - l'obligation, pour les États membres, de garantir l'étiquetage et la traçabilité à toutes les étapes de la mise sur le marché, obligation pour laquelle un système communautaire est prévu par le règlement (CE) n° 1830/2003 sur la traçabilité; - des informations permettant d'identifier et de détecter les OGM pour faciliter l'inspection et le contrôle postérieurs à la commercialisation; - des périodes de première autorisation de dissémination d'OGM limitées à dix ans; - l'obligation de consulter le(s) comité(s) scientifique(s)/l'Autorité européenne de sécurité des aliments (EFSA); - l'obligation de consulter le Parlement européen sur les décisions d'autorisation de dissémination d'OGM; - la possibilité accordée au Conseil des ministres d'adopter ou de rejeter à la majorité qualifiée une proposition de la Commission concernant l'autorisation d'un OGM. Conformément à la directive 2001/18/CE, une entreprise qui prévoit de mettre sur le marché un OGM doit au préalable obtenir une autorisation écrite à cette fin. L'OGM mis sur le marché sera qualifié de produit consistant en un OGM (comme des œillets GM à coloration modifiée) ou de produit contenant un OGM (comme un lot contenant un mélange de semences). La procédure d'autorisation de mise sur le marché d'un OGM fait intervenir tous les États membres. En France cette directive a été en partie transposée par la loi n° 2008-595 du 25 juin 2008 relative aux organismes génétiquement modifiés. En savoir plus Règlement du 22/09/2003 (1829/2003/CE) RÈGLEMENT (CE) No 1829/2003 DU PARLEMENT EUROPÉEN ET DU CONSEIL du 22 septembre 2003 concernant les denrées alimentaires et les aliments pour animaux génétiquement modifiés. Le règlement dispose que les produits auxquels il s'applique ne doivent pas : - avoir des effets néfastes sur la santé humaine, la santé animale ou l'environnement ; - induire le consommateur ou l'utilisateur en erreur ; - différer des denrées alimentaires et aliments pour animaux qu'ils sont censés remplacer à un point tel que leur consommation normale serait, du point de vue nutritionnel, désavantageuse pour les êtres humains (et les animaux s'il s'agit d'aliments pour animaux génétiquement modifiés) ; - dans le cas des denrées alimentaires et aliments pour animaux génétiquement modifiés, nuire au consommateur ou l'induire en erreur par l'altération des caractéristiques spécifiques des produits d'origine animale. Ce règlement met en place une procédure communautaire centralisée, uniforme et transparente pour toutes les demandes de mise sur le marché, que celles-ci concernent l'OGM lui-même ou ses produits alimentaires dérivés. Cela signifie que les opérateurs industriels peuvent introduire une demande unique pour l'OGM et toutes ses utilisations : une seule évaluation des risques est effectuée et une seule autorisation est accordée pour un même OGM et toutes ses utilisations (culture, importation, transformation en denrées alimentaires/aliments pour animaux ou en produits industriels). Il suffit qu'un des usages soit alimentaire pour que tous les usages (culture, transformation en produits industriels, etc.) puissent être traités en vertu du règlement (CE) n° 1829/2003. Pour une denrée alimentaire contenant des OGM ou consistant en de tels organismes, le demandeur a deux options : il peut présenter sa demande en vertu du seul règlement (CE) n° 1829/2003, en application du principe ''une clef pour chaque porte''. Il s'agirait alors d'obtenir une autorisation de dissémination volontaire d'un OGM dans l'environnement – selon les critères établis par la directive 2001/18/CE – et une autorisation d'utilisation de cet OGM dans les denrées alimentaires et aliments pour animaux – selon les critères établis par le règlement (CE) n° 1829/2003. Il peut également choisir de scinder la demande et de l'introduire en vertu, à la fois, de la directive 2001/18/CE et du règlement (CE) n° 1829/2003. Ce règlement garantit également que des situations comme celle du maïs Starlink aux USA (un maïs GM qui n'était autorisé que pour l'alimentation animale, mais qui a été retrouvé dans des denrées alimentaires) ne se reproduiront pas. En effet, les OGM susceptibles d'être utilisés comme denrées alimentaires et aliments pour animaux doivent être autorisés pour ces deux usages. L'autorisation, valable dans l'ensemble de l'Union européenne, est accordée sur la base d'une évaluation unique des risques effectuée sous la responsabilité de l'Autorité européenne de sécurité des aliments (EFSA) et d'une procédure unique de gestion des risques faisant intervenir la Commission et les États membres par l'intermédiaire d'un comité de réglementation. Le règlement (CE) n° 1829/2003 établit une procédure de délivrance d'autorisations pour la mise sur le marché de denrées alimentaires et d'aliments pour animaux génétiquement modifiés. Cette procédure reconnaît à la Commission un rôle important. Elle prévoit notamment que celle-ci adopte la décision finale de délivrer ou non l'autorisation si le Comité, composé de représentants des États membres, et le Conseil ne sont pas parvenus à adopter de décision à la majorité qualifiée dans le délai qui leur est imparti. Les demandes sont, tout d'abord, soumises à l'autorité compétente de l'État membre où le produit doit être commercialisé en premier lieu. La demande doit définir clairement son champ d'application, indiquer quelles sont les informations confidentielles et inclure un plan de surveillance, une proposition d'étiquetage et une méthode de détection. L'autorité nationale doit accuser réception de la demande par écrit dans un délai de 14 jours et informer l'EFSA. La demande et toute information complémentaire fournie par le demandeur doivent être mises à la disposition de l'EFSA, qui est responsable de l'évaluation scientifique des risques pour l'environnement et pour la santé humaine et animale. Son avis sera communiqué au public, qui aura la possibilité de le commenter. En général, un délai de six mois est accordé à l'EFSA pour rendre son avis. Ce délai peut être prolongé si l'EFSA doit demander des informations complémentaires au demandeur. Un document d'orientation pour l'évaluation des risques liés aux plantes génétiquement modifiées et aux denrées alimentaires et aliments pour animaux qui en sont dérivés a été adopté par l'EFSA le 24 septembre. Dans les trois mois suivant la réception de l'avis de l'EFSA, la Commission rédige une proposition accordant ou refusant l'autorisation. La Commission peut s'écarter de l'avis de l'EFSA, mais doit alors justifier sa position. La proposition de la Commission doit être approuvée à la majorité qualifiée des États membres au sein du Comité permanent de la chaîne alimentaire et de la santé animale, composé de représentants des États membres. Si ce Comité donne un avis favorable, la Commission adopte la décision. Si le Comité ne donne pas d'avis favorable ou rejette à la majorité qualifiée la proposition de la Commission, le projet de décision est soumis au Conseil des ministres pour adoption ou rejet à la majorité qualifiée. Si le Conseil n'agit pas dans un délai de trois mois ou ne parvient pas à une majorité qualifiée pour l'adoption ou le rejet de la proposition de la Commission, la Commission adopte la décision. Les produits autorisés doivent être inscrits dans un registre public des denrées alimentaires et aliments pour animaux génétiquement modifiés. Les autorisations sont accordées pour une période de 10 ans, sous réserve, le cas échéant, d'un plan de surveillance postérieur à la commercialisation. Les autorisations sont renouvelables tous les 10 ans. En savoir plus Définition de « Organisme Génétiquement Modifié (OGM) » Un organisme génétiquement (OGM) est un organisme (animal, végétal, bactérie) dont on a modifié le code génétique (ensemble de gènes) par une technique nouvelle dite de génie génétique pour lui conférer une caractéristique nouvelle. Ces techniq... Lire la définition
Décision préjudicielle de la CJUE
Ces décisions font suite à l'arrêt du 8 septembre dernier, par lequel la Cour de justice de l'Union européenne (CJUE), répondant à une question préjudicielle renvoyée par le Conseil d'Etat, avait considéré que la clause de sauvegarde prise par la France était illégale.
La Cour avait considéré qu'un Etat membre ne pouvait prendre des mesures de suspension ou d'interdiction provisoire de l'utilisation ou de la mise sur le marché d'OGM, dont la demande de renouvellement est en cours d'examen, en application de la directive 2001/18. En revanche, elle avait estimé qu'il pouvait le faire sur le fondement du règlement 1829/2003 mais qu'il devait alors établir, non seulement l'urgence, mais aussi "l'existence d'une situation susceptible de présenter un risque important mettant en péril de façon manifeste la santé humaine, la santé animale ou l'environnement".
Pas de risque particulièrement élevé justifiant l'interdiction
Suivant la CJUE, le Conseil d'Etat considère que le ministre de l'Agriculture a commis une erreur de droit en fondant ses arrêtés sur la directive 2001/18. Mais, compte tenu de ses pouvoirs de juge de l'excès de pouvoir, il examine également la légalité des arrêtés sur le fondement du règlement 1829/2003. Sans plus de succès pour le ministre de l'Agriculture.
Le Conseil d'Etat relève que ce dernier n'a pu justifier de sa compétence pour prendre les arrêtés, faute d'avoir apporté la preuve de l'existence d'un niveau de risque particulièrement élevé pour la santé ou l'environnement. L'avis du comité de préfiguration de la Haute autorité sur les OGM, sur lequel il avait fondé ses décisions, se bornait en effet à faire état "d'interrogations quant aux conséquences environnementales, sanitaires et économiques possibles de la culture et de la commercialisation de MON 810". Ce qui est insuffisant aux yeux de la Haute juridiction administrative.
Les OGM de nouveau dans les champs au printemps ?
Réagissant à la décision du Conseil d'Etat, l'ONG Greenpeace France, par la voie de son directeur des campagnes, Sylvain Tardy, estime que "si le Gouvernement ne fait pas le nécessaire en mettant en place une nouvelle interdiction, on risque donc de voir réapparaître les OGM dans nos champs dès le printemps prochain".
Une crainte fondée. L'association Initiatives Biotechnologies Végétales (IBV), représentant les semenciers français, annonce effectivement vouloir reprendre la culture des OGM en France. "Aujourd'hui, il faut que les maïsiculteurs qui le souhaitent puissent cultiver les OGM autorisés en Europe, comme le stipule la loi française sur les OGM. Nous plaidons pour la liberté de choisir", a déclaré Philippe Gracien, porte-parole d'IBV.
La ministre de l'Ecologie, Nathalie Kosciusko-Morizet, réagissant à la décision de la CJUE en septembre dernier, avait déclaré que "si la clause française était annulée pour des questions procédurales, nous prendrions une nouvelle clause de sauvegarde selon la procédure jugée adéquate par la Cour de justice de l'Union européenne, car les questions environnementales, elles, demeurent sans réponse".
Mais le gouvernement français est-il encore en mesure de prendre une telle clause, alors que le Conseil d'Etat vient de considérer que les arrêtés étaient illégaux, y compris sur le seul fondement jugé acceptable par la CJUE ?
Pour Corinne Lepage, député européen et ancien ministre de l'Environnement, "il est inhabituel que des juges se prononcent sur le bien fondé scientifique d'une décision. En faisant cela, le Conseil d'Etat réduit encore la marge de manœuvre dont disposent les Etats membres sur les OGM. C'est d'autant plus regrettable que les décisions d'autorisation reposent en premier lieu sur une expertise européenne critiquée et entachée de conflits d'intérêt et qui, elle, ne peut faire l'objet d'aucun recours !". D'où son souhait de voir la législation européenne adaptée afin de donner aux Etats membres une base juridique solide pour interdire la culture d'OGM.
Note Télécharger l'arrêt du Conseil d'Etat Plus d'infos MON 810 : une clause de sauvegarde illégale mais des mesures d'urgence toujours possibles (article paru le 08/09/2011) La clause de sauvegarde prise par la France pour interdire la culture du maïs MON 810 est illégale selon la CJUE. Mais le Gouvernement peut adopter des mesures d'urgence équivalentes sur un autre fondement. Lire la news Directive Européenne du 12/03/2001 (2001/18/CE) Directive 2001/18/CE du Parlement européen et du Conseil du 12 mars 2001 relative à la dissémination volontaire d'organismes génétiquement modifiés dans l'environnement et abrogeant la directive 90/220/CEE du Conseil. La directive 2001/18/CE relative à la dissémination volontaire d'OGM dans l'environnement s'applique à deux types d'activités : - la dissémination expérimentale d'OGM dans l'environnement, c'est-à-dire l'introduction d'OGM dans l'environnement à des fins expérimentales (par exemple pour des essais en champ); - la mise sur le marché d'OGM, par exemple la culture, l'importation ou la transformation d'OGM en produits industriels. Elle introduit: - les principes applicables à l'évaluation des risques pour l'environnement; - des exigences de surveillance postérieure à la commercialisation, y compris en ce qui concerne les effets à long terme liés à l'interaction avec d'autres OGM et avec l'environnement; - l'obligation d'informer le public; - l'obligation, pour les États membres, de garantir l'étiquetage et la traçabilité à toutes les étapes de la mise sur le marché, obligation pour laquelle un système communautaire est prévu par le règlement (CE) n° 1830/2003 sur la traçabilité; - des informations permettant d'identifier et de détecter les OGM pour faciliter l'inspection et le contrôle postérieurs à la commercialisation; - des périodes de première autorisation de dissémination d'OGM limitées à dix ans; - l'obligation de consulter le(s) comité(s) scientifique(s)/l'Autorité européenne de sécurité des aliments (EFSA); - l'obligation de consulter le Parlement européen sur les décisions d'autorisation de dissémination d'OGM; - la possibilité accordée au Conseil des ministres d'adopter ou de rejeter à la majorité qualifiée une proposition de la Commission concernant l'autorisation d'un OGM. Conformément à la directive 2001/18/CE, une entreprise qui prévoit de mettre sur le marché un OGM doit au préalable obtenir une autorisation écrite à cette fin. L'OGM mis sur le marché sera qualifié de produit consistant en un OGM (comme des œillets GM à coloration modifiée) ou de produit contenant un OGM (comme un lot contenant un mélange de semences). La procédure d'autorisation de mise sur le marché d'un OGM fait intervenir tous les États membres. En France cette directive a été en partie transposée par la loi n° 2008-595 du 25 juin 2008 relative aux organismes génétiquement modifiés. En savoir plus Règlement du 22/09/2003 (1829/2003/CE) RÈGLEMENT (CE) No 1829/2003 DU PARLEMENT EUROPÉEN ET DU CONSEIL du 22 septembre 2003 concernant les denrées alimentaires et les aliments pour animaux génétiquement modifiés. Le règlement dispose que les produits auxquels il s'applique ne doivent pas : - avoir des effets néfastes sur la santé humaine, la santé animale ou l'environnement ; - induire le consommateur ou l'utilisateur en erreur ; - différer des denrées alimentaires et aliments pour animaux qu'ils sont censés remplacer à un point tel que leur consommation normale serait, du point de vue nutritionnel, désavantageuse pour les êtres humains (et les animaux s'il s'agit d'aliments pour animaux génétiquement modifiés) ; - dans le cas des denrées alimentaires et aliments pour animaux génétiquement modifiés, nuire au consommateur ou l'induire en erreur par l'altération des caractéristiques spécifiques des produits d'origine animale. Ce règlement met en place une procédure communautaire centralisée, uniforme et transparente pour toutes les demandes de mise sur le marché, que celles-ci concernent l'OGM lui-même ou ses produits alimentaires dérivés. Cela signifie que les opérateurs industriels peuvent introduire une demande unique pour l'OGM et toutes ses utilisations : une seule évaluation des risques est effectuée et une seule autorisation est accordée pour un même OGM et toutes ses utilisations (culture, importation, transformation en denrées alimentaires/aliments pour animaux ou en produits industriels). Il suffit qu'un des usages soit alimentaire pour que tous les usages (culture, transformation en produits industriels, etc.) puissent être traités en vertu du règlement (CE) n° 1829/2003. Pour une denrée alimentaire contenant des OGM ou consistant en de tels organismes, le demandeur a deux options : il peut présenter sa demande en vertu du seul règlement (CE) n° 1829/2003, en application du principe ''une clef pour chaque porte''. Il s'agirait alors d'obtenir une autorisation de dissémination volontaire d'un OGM dans l'environnement – selon les critères établis par la directive 2001/18/CE – et une autorisation d'utilisation de cet OGM dans les denrées alimentaires et aliments pour animaux – selon les critères établis par le règlement (CE) n° 1829/2003. Il peut également choisir de scinder la demande et de l'introduire en vertu, à la fois, de la directive 2001/18/CE et du règlement (CE) n° 1829/2003. Ce règlement garantit également que des situations comme celle du maïs Starlink aux USA (un maïs GM qui n'était autorisé que pour l'alimentation animale, mais qui a été retrouvé dans des denrées alimentaires) ne se reproduiront pas. En effet, les OGM susceptibles d'être utilisés comme denrées alimentaires et aliments pour animaux doivent être autorisés pour ces deux usages. L'autorisation, valable dans l'ensemble de l'Union européenne, est accordée sur la base d'une évaluation unique des risques effectuée sous la responsabilité de l'Autorité européenne de sécurité des aliments (EFSA) et d'une procédure unique de gestion des risques faisant intervenir la Commission et les États membres par l'intermédiaire d'un comité de réglementation. Le règlement (CE) n° 1829/2003 établit une procédure de délivrance d'autorisations pour la mise sur le marché de denrées alimentaires et d'aliments pour animaux génétiquement modifiés. Cette procédure reconnaît à la Commission un rôle important. Elle prévoit notamment que celle-ci adopte la décision finale de délivrer ou non l'autorisation si le Comité, composé de représentants des États membres, et le Conseil ne sont pas parvenus à adopter de décision à la majorité qualifiée dans le délai qui leur est imparti. Les demandes sont, tout d'abord, soumises à l'autorité compétente de l'État membre où le produit doit être commercialisé en premier lieu. La demande doit définir clairement son champ d'application, indiquer quelles sont les informations confidentielles et inclure un plan de surveillance, une proposition d'étiquetage et une méthode de détection. L'autorité nationale doit accuser réception de la demande par écrit dans un délai de 14 jours et informer l'EFSA. La demande et toute information complémentaire fournie par le demandeur doivent être mises à la disposition de l'EFSA, qui est responsable de l'évaluation scientifique des risques pour l'environnement et pour la santé humaine et animale. Son avis sera communiqué au public, qui aura la possibilité de le commenter. En général, un délai de six mois est accordé à l'EFSA pour rendre son avis. Ce délai peut être prolongé si l'EFSA doit demander des informations complémentaires au demandeur. Un document d'orientation pour l'évaluation des risques liés aux plantes génétiquement modifiées et aux denrées alimentaires et aliments pour animaux qui en sont dérivés a été adopté par l'EFSA le 24 septembre. Dans les trois mois suivant la réception de l'avis de l'EFSA, la Commission rédige une proposition accordant ou refusant l'autorisation. La Commission peut s'écarter de l'avis de l'EFSA, mais doit alors justifier sa position. La proposition de la Commission doit être approuvée à la majorité qualifiée des États membres au sein du Comité permanent de la chaîne alimentaire et de la santé animale, composé de représentants des États membres. Si ce Comité donne un avis favorable, la Commission adopte la décision. Si le Comité ne donne pas d'avis favorable ou rejette à la majorité qualifiée la proposition de la Commission, le projet de décision est soumis au Conseil des ministres pour adoption ou rejet à la majorité qualifiée. Si le Conseil n'agit pas dans un délai de trois mois ou ne parvient pas à une majorité qualifiée pour l'adoption ou le rejet de la proposition de la Commission, la Commission adopte la décision. Les produits autorisés doivent être inscrits dans un registre public des denrées alimentaires et aliments pour animaux génétiquement modifiés. Les autorisations sont accordées pour une période de 10 ans, sous réserve, le cas échéant, d'un plan de surveillance postérieur à la commercialisation. Les autorisations sont renouvelables tous les 10 ans. En savoir plus Définition de « Organisme Génétiquement Modifié (OGM) » Un organisme génétiquement (OGM) est un organisme (animal, végétal, bactérie) dont on a modifié le code génétique (ensemble de gènes) par une technique nouvelle dite de génie génétique pour lui conférer une caractéristique nouvelle. Ces techniq... Lire la définition
Article publié le 28 Novembre 2011
Laurent Radisson © Tous droits réservés Actu-Environnement
Un peu comme avec le gaz de schiste. 1 pas en avant, 3 pas en arriere :(
Taxe sur les semences : l’UMP contre les paysans
Par Sophie Chapelle (28 novembre 2011)
La colère gronde devant l’Assemblée nationale ce 28 novembre alors qu’est examinée une proposition de loi qui remet en cause le droit de ressemer librement sa propre récolte. Que s’est-il dit au Sénat lors de son examen en juin dernier ? Quels positionnements ont adopté les différents groupes politiques ? Décryptage.
« Ce projet de loi remet en cause des siècles d’émancipation paysanne construite sur la contestation du servage ». La colère des membres de la Confédération paysanne ne faiblit pas alors que s’ouvre l’examen du projet de loi sur les « obtentions végétales » à l’Assemblée nationale ce 28 novembre. Une véritable dîme sur les semences (lire notre précédent article) qui entrave le droit de ressemer librement et rend les paysans captifs des multinationales semencières. Derrière cette proposition de loi, on trouve le sénateur UMP Christian Demuynck. Comment ce proche de Nicolas Sarkozy justifie t-il ce projet de loi ?
Ce texte n’aurait d’autres buts que de « relancer la recherche agricole en France » et « lui en donner les moyens » par le paiement de droits sur les semences protégées. C’est en tout cas l’argument avancé par Christian Demuynck devant les sénateurs, le 29 juin dernier. Le texte propose d’autoriser la semence de ferme [1] pour seulement 21 espèces – en échange du paiement d’une « Contribution volontaire obligatoire » (CVO) à l’obtenteur qui a sélectionné la variété – et d’interdire cette pratique pour toutes les autres espèces. « Tous les exploitants du monde agricole » doivent contribuer à l’effort de financement de l’innovation, via la CVO, assurent les sénateurs UMP.
Dans les travées du groupe CRC (communiste), on s’interroge sur l’augmentation de la contribution de 30 à 50 % réclamée par l’Union française des semenciers (UFS). « Une telle augmentation reviendrait à instaurer une distorsion de concurrence et à interdire, de fait, les semences de ferme », argue la sénatrice communiste Annie David. Cette augmentation entérinerait surtout l’influence de l’UFS – qui regroupe Bayer, Limagrain, Monsanto, Pioneer, Vilmorin ou Syngenta – dans l’orientation de la politique agricole française.
Les écologistes, une « bande d’obscurantistes »
Une taxe, pourquoi pas, mais pour quelle recherche ? Le radical de gauche Yvon Collin dénonce une recherche qui « se dirige vers le verrouillage des semences par la sélection de variétés hybrides (non reproductibles, ndlr) ou modifiées ». Et questionne : « Va-t-on assister au contrôle de la totalité des semences et de la nourriture par une poignée de multinationales ? ». En attendant, la recherche agricole publique est à la diète. La révision générale des politiques publiques (RGPP), portée par la droite depuis 2007, s’est traduite pour l’Institut national de la recherche agronomique (INRA) par le gel de 40 postes en 2011 et la baisse très importante du budget alloué aux départements de recherche. Difficile dans ce contexte de croire que le parti présidentiel tient vraiment à une recherche publique.
Mais pour le Ministre de l’agriculture Bruno Le Maire, soutenir cette loi c’est se placer « dans le camp du progrès, d’une agriculture moderne ». Les arguments sont connus : seul le « progrès génétique » et « la productivité » pourront nourrir 9 milliards d’individus, explique Rémy Pointereau (sénateur UMP du Cher), alors que chacun sait que le problème n’est pas dans la production agricole, excédentaire, mais dans sa répartition.
Une « redoutable appropriation des semences »
La recherche qui s’annonce, au vu des variétés de plantes déjà autorisées, ressemble davantage à du clonage qu’à une défense de la biodiversité, accuse la sénatrice écologiste Marie-Christine Blandin. La sélection et la multiplication d’une partie de la récolte à la ferme est le seul moyen de pouvoir adapter les variétés à la diversité des terroirs et aux variations climatiques. « Faut-il rappeler que la totalité des semences industrielles sont issues des variétés sélectionnées par des centaines de générations de paysans sans que la moindre rémunération leur ait jamais été versée ? », lance Yvon Collin. Une piqûre de rappel qui n’obtiendra nul écho dans les travées de la majorité.
Autre justification : la proposition de loi viserait à adapter le droit français à une convention internationale ratifiée par la France en 2006 [2]. Un argument qui laisse les opposants à la loi sceptiques. Cette « adaptation » de la loi française se profile au moment où la Commission Européenne procède à une évaluation de la réglementation sur la protection des obtentions végétales. Le Parlement français va-t-il voter une nouvelle loi qui peut se retrouver obsolète dans quelques semaines ?
La généralisation de la contribution volontaire obligatoire risque également de violer des engagements internationaux, comme le souligne le communiste Gérard Le Cam. La France a ratifié la Convention sur la diversité biologique ainsi que le Traité international sur les ressources phytogénétiques pour l’alimentation et l’agriculture, des textes qui garantissent les droits des agriculteurs dans l’accès facilité aux ressources.
La brevetabilité du vivant en jeu
Cette marche forcée vers la privatisation des semences au profit de grands intérêts économiques a surtout pour objectif de conforter le certificat d’obtention végétale (COV). Ce système de propriété, que l’UMP défend âprement, se veut « plus ouvert » que le brevet de propriété intellectuelle. Celui-ci interdit toute libre utilisation des semences référencées, y compris dans un cadre expérimental. Problème : le certificat d’obtention végétale peut très bien coexister avec un brevet sur une même variété. L’un protège une variété, l’autre protège des gènes. « Le cumul des deux protections (...) est un outil d’appropriation des semences bien plus redoutable que le brevet », alerte le communiste Gérard Le Cam.
Les obtenteurs qui développent de nouvelles variétés contenant un gène breveté sont sous la menace permanente de devoir payer des droits de licence, ou d’accepter que leur entreprise soit absorbée, pour pouvoir les commercialiser. « Ce risque est facteur de limitation de l’innovation, explique Gérard Le Cam. Cela favorise une concentration excessive de l’industrie semencière entre les mains des propriétaires des plus gros portefeuilles de brevets ». Quant aux agriculteurs, ils ne savent pas si une éventuelle contamination par des gènes brevetés leur interdit ou non la réutilisation de leur récolte comme semence. Alors que les brevets déposés sur les informations génétiques se multiplient, aucune information n’existe sur les variétés qu’ils protègent.
Défendre le patrimoine de l’Humanité
Si l’information des agriculteurs et des obtenteurs sur les variétés échangées est un préalable, elle n’est pas suffisante. « Il a fallu 3,5 milliards d’années d’interactions du vivant pour engendrer la diversité génétique, rappelle l’écologiste Marie-Christine Blandin. Puis, les sociétés paysannes ont identifié, sélectionné, transporté, échangé durant quelques dizaines de milliers d’années. Ce bien commun naturel et culturel ne saurait être confisqué : il est patrimoine le l’humanité. Le « découvreur » d’une variété ne saurait se l’accaparer ! ».
Dans le cadre de l’accord interprofessionnel autour du blé tendre, les agriculteurs paient une contribution volontaire obligatoire seulement en cas de commercialisation de leurs semences. Ceux qui ne faisaient que la replanter pour nourrir leurs animaux en étaient exonérés. Avec cette proposition de loi, tout le monde paiera. le sénateur Daniel Raoul, du groupe socialiste, a ainsi défendu un amendement tendant à exonérer de cette taxe les agriculteurs qui produisent des semences de ferme dans un but d’autoconsommation.
Un amendement irrecevable pour le rapporteur UMP Rémy Pointreau qui explique : « Si une variété d’aliment permet d’améliorer la qualité du lait ou de la viande, ou encore d’engraisser plus vite les animaux, pourquoi l’obtenteur ayant permis une telle avancée ne recevrait-il pas une rémunération pour son travail ? ». Résultat, le projet de loi pourrait aussi concerner les agriculteurs qui sélectionnent ou conservent leurs propres semences, les jardiniers amateurs qui produisent pour leur auto consommation et leur plaisir, et ceux qui leurs vendent graines et semences.
Un seul amendement à l’Assemblée nationale changerait la donne
L’amendement relatif à l’autoconsommation n’ayant pas été adopté, les sénateurs socialistes se sont abstenus lors du vote final. Aux côtés des écologistes, le groupe communiste a voté contre le texte, estimant ne pas pouvoir répondre à ces questions « tant que ne sera pas inscrite dans la loi la reconnaissance positive des droits des agriculteurs sur leurs semences ». En revanche, le groupe RDSE – qui rassemble le parti radical de gauche et divers gauche - et l’Union centriste se sont prononcés en faveur de la proposition de loi. Les organisations syndicales et associatives présentes devant l’Assemblée nationale ce 28 novembre espèrent l’adoption d’un amendement. Un seul suffit pour que la proposition retourne au Sénat, qui a changé de majorité depuis juin dernier.
Sophie Chapelle
Bastmag
Ce texte n’aurait d’autres buts que de « relancer la recherche agricole en France » et « lui en donner les moyens » par le paiement de droits sur les semences protégées. C’est en tout cas l’argument avancé par Christian Demuynck devant les sénateurs, le 29 juin dernier. Le texte propose d’autoriser la semence de ferme [1] pour seulement 21 espèces – en échange du paiement d’une « Contribution volontaire obligatoire » (CVO) à l’obtenteur qui a sélectionné la variété – et d’interdire cette pratique pour toutes les autres espèces. « Tous les exploitants du monde agricole » doivent contribuer à l’effort de financement de l’innovation, via la CVO, assurent les sénateurs UMP.
Dans les travées du groupe CRC (communiste), on s’interroge sur l’augmentation de la contribution de 30 à 50 % réclamée par l’Union française des semenciers (UFS). « Une telle augmentation reviendrait à instaurer une distorsion de concurrence et à interdire, de fait, les semences de ferme », argue la sénatrice communiste Annie David. Cette augmentation entérinerait surtout l’influence de l’UFS – qui regroupe Bayer, Limagrain, Monsanto, Pioneer, Vilmorin ou Syngenta – dans l’orientation de la politique agricole française.
Les écologistes, une « bande d’obscurantistes »
Une taxe, pourquoi pas, mais pour quelle recherche ? Le radical de gauche Yvon Collin dénonce une recherche qui « se dirige vers le verrouillage des semences par la sélection de variétés hybrides (non reproductibles, ndlr) ou modifiées ». Et questionne : « Va-t-on assister au contrôle de la totalité des semences et de la nourriture par une poignée de multinationales ? ». En attendant, la recherche agricole publique est à la diète. La révision générale des politiques publiques (RGPP), portée par la droite depuis 2007, s’est traduite pour l’Institut national de la recherche agronomique (INRA) par le gel de 40 postes en 2011 et la baisse très importante du budget alloué aux départements de recherche. Difficile dans ce contexte de croire que le parti présidentiel tient vraiment à une recherche publique.
Mais pour le Ministre de l’agriculture Bruno Le Maire, soutenir cette loi c’est se placer « dans le camp du progrès, d’une agriculture moderne ». Les arguments sont connus : seul le « progrès génétique » et « la productivité » pourront nourrir 9 milliards d’individus, explique Rémy Pointereau (sénateur UMP du Cher), alors que chacun sait que le problème n’est pas dans la production agricole, excédentaire, mais dans sa répartition.
Une « redoutable appropriation des semences »
La recherche qui s’annonce, au vu des variétés de plantes déjà autorisées, ressemble davantage à du clonage qu’à une défense de la biodiversité, accuse la sénatrice écologiste Marie-Christine Blandin. La sélection et la multiplication d’une partie de la récolte à la ferme est le seul moyen de pouvoir adapter les variétés à la diversité des terroirs et aux variations climatiques. « Faut-il rappeler que la totalité des semences industrielles sont issues des variétés sélectionnées par des centaines de générations de paysans sans que la moindre rémunération leur ait jamais été versée ? », lance Yvon Collin. Une piqûre de rappel qui n’obtiendra nul écho dans les travées de la majorité.
Autre justification : la proposition de loi viserait à adapter le droit français à une convention internationale ratifiée par la France en 2006 [2]. Un argument qui laisse les opposants à la loi sceptiques. Cette « adaptation » de la loi française se profile au moment où la Commission Européenne procède à une évaluation de la réglementation sur la protection des obtentions végétales. Le Parlement français va-t-il voter une nouvelle loi qui peut se retrouver obsolète dans quelques semaines ?
La généralisation de la contribution volontaire obligatoire risque également de violer des engagements internationaux, comme le souligne le communiste Gérard Le Cam. La France a ratifié la Convention sur la diversité biologique ainsi que le Traité international sur les ressources phytogénétiques pour l’alimentation et l’agriculture, des textes qui garantissent les droits des agriculteurs dans l’accès facilité aux ressources.
La brevetabilité du vivant en jeu
Cette marche forcée vers la privatisation des semences au profit de grands intérêts économiques a surtout pour objectif de conforter le certificat d’obtention végétale (COV). Ce système de propriété, que l’UMP défend âprement, se veut « plus ouvert » que le brevet de propriété intellectuelle. Celui-ci interdit toute libre utilisation des semences référencées, y compris dans un cadre expérimental. Problème : le certificat d’obtention végétale peut très bien coexister avec un brevet sur une même variété. L’un protège une variété, l’autre protège des gènes. « Le cumul des deux protections (...) est un outil d’appropriation des semences bien plus redoutable que le brevet », alerte le communiste Gérard Le Cam.
Les obtenteurs qui développent de nouvelles variétés contenant un gène breveté sont sous la menace permanente de devoir payer des droits de licence, ou d’accepter que leur entreprise soit absorbée, pour pouvoir les commercialiser. « Ce risque est facteur de limitation de l’innovation, explique Gérard Le Cam. Cela favorise une concentration excessive de l’industrie semencière entre les mains des propriétaires des plus gros portefeuilles de brevets ». Quant aux agriculteurs, ils ne savent pas si une éventuelle contamination par des gènes brevetés leur interdit ou non la réutilisation de leur récolte comme semence. Alors que les brevets déposés sur les informations génétiques se multiplient, aucune information n’existe sur les variétés qu’ils protègent.
Défendre le patrimoine de l’Humanité
Si l’information des agriculteurs et des obtenteurs sur les variétés échangées est un préalable, elle n’est pas suffisante. « Il a fallu 3,5 milliards d’années d’interactions du vivant pour engendrer la diversité génétique, rappelle l’écologiste Marie-Christine Blandin. Puis, les sociétés paysannes ont identifié, sélectionné, transporté, échangé durant quelques dizaines de milliers d’années. Ce bien commun naturel et culturel ne saurait être confisqué : il est patrimoine le l’humanité. Le « découvreur » d’une variété ne saurait se l’accaparer ! ».
Dans le cadre de l’accord interprofessionnel autour du blé tendre, les agriculteurs paient une contribution volontaire obligatoire seulement en cas de commercialisation de leurs semences. Ceux qui ne faisaient que la replanter pour nourrir leurs animaux en étaient exonérés. Avec cette proposition de loi, tout le monde paiera. le sénateur Daniel Raoul, du groupe socialiste, a ainsi défendu un amendement tendant à exonérer de cette taxe les agriculteurs qui produisent des semences de ferme dans un but d’autoconsommation.
Un amendement irrecevable pour le rapporteur UMP Rémy Pointreau qui explique : « Si une variété d’aliment permet d’améliorer la qualité du lait ou de la viande, ou encore d’engraisser plus vite les animaux, pourquoi l’obtenteur ayant permis une telle avancée ne recevrait-il pas une rémunération pour son travail ? ». Résultat, le projet de loi pourrait aussi concerner les agriculteurs qui sélectionnent ou conservent leurs propres semences, les jardiniers amateurs qui produisent pour leur auto consommation et leur plaisir, et ceux qui leurs vendent graines et semences.
Un seul amendement à l’Assemblée nationale changerait la donne
L’amendement relatif à l’autoconsommation n’ayant pas été adopté, les sénateurs socialistes se sont abstenus lors du vote final. Aux côtés des écologistes, le groupe communiste a voté contre le texte, estimant ne pas pouvoir répondre à ces questions « tant que ne sera pas inscrite dans la loi la reconnaissance positive des droits des agriculteurs sur leurs semences ». En revanche, le groupe RDSE – qui rassemble le parti radical de gauche et divers gauche - et l’Union centriste se sont prononcés en faveur de la proposition de loi. Les organisations syndicales et associatives présentes devant l’Assemblée nationale ce 28 novembre espèrent l’adoption d’un amendement. Un seul suffit pour que la proposition retourne au Sénat, qui a changé de majorité depuis juin dernier.
Sophie Chapelle
Bastmag
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