Exposés à des doses de radioactivité énormes, les employés de la centrale nucléaire de Fukushima doivent supporter des conditions de vie précaires
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Deux maigres repas par jour, des chambres à coucher improvisées dans des salles de réunion, près des salles de bains ou dans des couloirs avec pour lit de simples matelas de plomb posés à même le sol…
Depuis trois semaines, les employés de la centrale de Fukushima tentent, dans des conditions de vie très précaires, d’éviter le pire : la fusion des réacteurs dont les circuits de refroidissement ont été endommagés après la catastrophe.
Tepco, qui gère la centrale, a annoncé dimanche 3 avril que les corps de deux ouvriers de 21 et 24 ans qui avaient disparu le 11 mars venaient d’être retrouvés : les travailleurs étaient partis inspecter le bâtiment du réacteur 4 juste après le séisme.
Techniciens, super-pompiers et soldats… Les héros de Fukushima, encensés par la presse mondiale, seraient aujourd’hui près de 500 sur place. Dans la centrale, équipés d’une combinaison, de gants de protection et d’un masque de protection censés éviter la contamination, les ouvriers s’échinent à tenter de rétablir l’électricité, à asperger les réacteurs ou essayer de remettre en marche les équipements détériorés.

« Le principal risque, c’est le cancer »

Plus la dose de millisieverts (unité qui mesure le risque pour la santé des radiations) augmente, plus le risque augmente, mais le cancer « n’est pas automatique », rappelle Martin Schlumberger, chef de service de médecine nucléaire à l’Institut Gustave-Roussy de Villejuif.
« Si l’irradiation dépasse 1 gray (soit 1 000 millisieverts), on peut alors souffrir d’une irradiation aiguë, qui provoque des vomissements et une intense fatigue », ajoute Patrick Gourmelon. On en meurt en trois semaines à un mois. Le seuil accepté de radioactivité auquel est exposé un travailleur en centrale nucléaire en temps normal est de 20 millisieverts par an. Ce niveau peut aller jusqu’à 300 millisieverts en cas de catastrophe nucléaire.
À la centrale de Fukushima, la limite a déjà été relevée de 100 à 250 millisieverts par an. Les doses de millisieverts s’additionnent. Pour les mesurer, les employés de la centrale portent en théorie un dosimètre opérationnel qui signale quand la dose a été dépassée, ce qui signifie qu’ils doivent cesser de travailler.
Dans une interview donnée au quotidien japonais Mainishi Shinbun, un technicien de la centrale de Fukushima qui a travaillé sur le site juste après la catastrophe disait pourtant ne jamais avoir porté de dosimètre.

Les mesures sanitaires pas toujours respectées

Kazuma Yokota, surveillant à la centrale de Fukushima, décrivait la semaine dernière à la télévision nippone les conditions de vie difficiles dans lesquelles vivent les employés : « Nous mangeons deux fois par jour. Au petit déjeuner, des biscuits énergétiques, au dîner du riz instantané et des aliments en conserve. »
Les techniciens dorment dans un bâtiment situé dans l’enceinte même de la centrale, prévu pour résister aux radiations mais qui atteignent déjà un taux supérieur à la normale, même dans cet espace confiné. « Tout le monde dort à même le sol », continue Kazuma Yokota, qui indique que les employés dorment sur des matelas de plomb, censés faire barrage aux rayonnements. Les employés doivent multiplier les temps de pause pour éviter d’atteindre le taux de radioactivité de 250 millisieverts.

"Nous n’avons pas l’intention de mourir mais de sauver le Japon"

D’autant que la prime n’est pas franchement alléchante : 15 € par jour pour les techniciens, un peu plus de 50 pour les pompiers... De nombreuses rumeurs circulent : à Minamisoma, petite ville située à une trentaine de kilomètres de Fukushima, des habitants se seraient vu proposer entre 800 et 1 500 € par jour, selon les témoignages, par des sous-traitants de Tepco pour rejoindre le personnel.
Hiroyuki Kono, contrôleur de radioactivité à la centrale de Fukushima depuis dix ans, célibataire et sans enfant, a accepté de revenir travailler à la centrale, malgré le risque : « Même si le terrain de lutte est différent, nous sommes des kamikazes des temps modernes, a-t-il affirmé à l’Agence France-Presse. Nous n’avons pas l’intention de mourir mais de sauver le Japon. »
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Aglaé DE CHALUS LA CROIX.COM |
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