Oslo Envoyé spécial - Plus de 1,3 milliard de personnes - près de 20 % de la population mondiale - ne bénéficient pas, aujourd'hui, d'un accès à l'électricité. Ce chiffre a été présenté par l'Agence internationale de l'énergie (AIE) à l'occasion de la conférence "Energie pour tous", qu'elle organisait, lundi 10 et mardi 11 octobre, à Oslo, avec la Norvège.
Et cette situation a des conséquences économiques, sociales et sanitaires. L'une d'elles est que 2,7 milliards d'habitants de la planète ne disposent pas de moyens modernes et "propres" de cuisiner. L'utilisation de bois et de charbon de bois entraîne ainsi une pollution des habitations et de la nourriture, qui provoque près de 1,5 million de morts par an, tout en accentuant la déforestation et les dérèglements climatiques.Face à ces problèmes, le déficit d'accès à l'énergie devient un chantier mondial, qui sera notamment au coeur des discussions de Rio + 20, la conférence sur le développement durable prévue en juin 2012 au Brésil. L'accès universel à une énergie propre est la clé pour répondre à "tous les défis globaux", a lancé, lundi à Oslo, le secrétaire général des Nations unies, Ban Ki-moon. La pauvreté, le changement climatique, la rareté de l'eau, la santé, la crise alimentaire ou encore l'égalité des chances pour les femmes dans la société : tous ces problèmes ont un lien fort avec l'absence d'accès à l'énergie, selon le diplomate, qui a raconté, au passage, avoir personnellement vécu cette pénurie dans sa jeunesse en Corée, où il étudiait "à la lumière de la bougie".
L'accès à l'énergie n'est pas inscrit dans les objectifs du Millénaire pour le développement définis dans le cadre des Nations unies en 2000. L'ONU a cependant désigné 2012 "Année internationale pour une énergie durable pour tous". L'accès universel à l'énergie n'aurait pas de conséquences négatives importantes sur le climat. Il n'accroîtrait les émissions de CO2 que de 0,7 %, selon l'AIE.
L'équipement des populations privées d'énergie est en marche, mais pas à un rythme suffisant, selon les intervenants à la conférence d'Oslo. L'AIE estime qu'en 2009 près de 9,1 milliards de dollars (6,7 milliards d'euros) ont été investis dans le monde pour développer l'accès à une "énergie moderne". Cela a permis à 20 millions de personnes d'accéder à l'électricité et à 7 millions d'être dotées d'équipements de cuisine "sains", à base de biomasse.
L'Agence a évalué les politiques d'aide à l'accès à l'énergie en cours ou annoncées. Les investissements attendus sont de l'ordre de 296 milliards de dollars entre 2010 et 2030, soit une moyenne annuelle de 14 milliards de dollars. Cela ne suffira pas pour assurer l'accès universel à l'énergie en 2030, d'après l'AIE, étant donné, notamment, l'augmentation de la population mondiale.
"Il faudrait, pour y arriver, multiplier pratiquement par cinq le montant investi en 2009, et arriver à des investissements de l'ordre de 48 milliards de dollars (35 milliards d'euros) par an", affirme Fatih Birol, économiste en chef de l'AIE, qui ajoute qu'une telle somme "ne représenterait que 3 % des investissements mondiaux prévus dans l'énergie".
Reste à mobiliser des fonds puis à trouver, sur le terrain, le meilleur dispositif. Quelles formes de financement adopter pour diriger efficacement les milliards nécessaires au développement de l'accès universel à l'énergie ? Les participants à la conférence d'Oslo avaient des avis variables sur la question. Sur les montants investis en faveur de l'accès à l'énergie en 2009, 34 % provenaient des institutions multilatérales, 30 % des pays concernés, 22 % d'acteurs privés et 14 % de l'aide bilatérale.
Jens Stoltenberg, le premier ministre norvégien, a présenté une nouvelle plate-forme de partenariat international baptisée Energy +. Déjà très présente dans les initiatives internationales pour lutter contre la déforestation et ses effets négatifs sur le climat à travers le mécanisme REDD (Reducing Emissions from Deforestation and Degradation), la Norvège veut essayer de reproduire l'approche de ce dernier, c'est-à-dire un soutien financier dépendant du suivi et du contrôle des résultats obtenus par les pays aidés. Mais les difficultés de mise en place de REDD montrent qu'il faudra, pour Energy +, essayer de trouver des mécanismes simples et approuvés par tous.
Une autre proposition qui émergeait à Oslo était l'association des financements publics et privés, l'idée étant d'attirer les fonds privés avec le levier de l'argent public. Cela dit, pour attirer les acteurs privés, "il faut surtout des projets rentables commercialement, avec un modèle économique solide", soulignait Carlos Pascual, du département d'Etat américain. L'austérité qui pèse actuellement sur les finances publiques ne facilite pas les choses.
Mais l'aide bilatérale ou multilatérale n'est qu'un des éléments qui permettent de faire prendre la greffe. Le jeune entrepreneur indien Harish Hande, dont la société "à vocation sociale" Selco équipe en systèmes d'énergie solaire foyers et entreprises en Inde, est critique envers ceux qui pensent qu'une augmentation des aides est une réponse suffisante. "Si l'Inde est arrivée aujourd'hui à de bons résultats dans sa campagne pour le développement de l'accès à l'énergie, c'est que, depuis plusieurs décennies, un tissu de banques rurales qui prêtent sur le long terme a été mis en place. Ce réseau n'existe malheureusement pas dans de nombreux pays d'Afrique", remarque-t-il.
Près de 85 % des personnes privées d'accès à l'énergie dans le monde habitent dans des zones rurales, et plus de 95 % soit en Afrique soit dans les régions d'Asie en développement.
Le monde
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