lundi 24 octobre 2011

Les conséquences sur le climat des raids aériens de la 2ème Guerre Mondiale

raids_aerien_WW2

Formation aérienne de B-17 de l'USAAF au dessus de l'Europe en 1943
© United States Air Force
Des climatologues ont analysé les données relatives aux bombardements des Alliés au cours de la 2ème Guerre Mondiale pour étudier les effets climatiques des milliers de survols de l'Angleterre à une époque où l'aviation civile en était à ses balbutiements. L'étude, publiée dans l'International Journal of Climatology, montre que les bulletins météo civils et militaires permettent d'évaluer l'impact de l'aviation moderne sur notre climat.
La recherche, dirigée par le Professeur Rob MacKenzie, de l'Université de Birmingham et le Professeur Roger Timmis de l'Environment Agency, est basée sur des données historiques pour déduire les niveaux de nébulosité induits par les aéronefs (Aircraft Induced Cloudiness (AIC)) qui sont dus à la condensation des bombardiers alliés qui sillonnaient l'Europe depuis leur base en Angleterre. La recherche est centrée sur la période 1943 – 1945, après le ralliement de l'aviation états-unienne (USAAF) à celle des Alliés.
"Les observateurs rapportent que le ciel était littéralement blanchi par la condensation issue des formations aériennes massives de bombardiers," note le Professeur MacKenzie. "On a compris que les bombardements de la Deuxième Guerre Mondiale par les Alliés se sont révélés être une expérience environnementale involontaire montrant l'effet local de la condensation des aéronefs sur les flux d'énergie reçus et émis par la Terre."
Les avions ont un impact sur la nébulosité sous l'action de la condensation qu'ils génèrent en dégageant de l'air chaud saturé d'aérosols qui se mélange à l'air froid de la troposphère supérieure. Si une partie de la condensation se dissipe rapidement, le reste se transforme en trainées de nuages cirrus qui interceptent à la fois l'énergie solaire que reçoit la planète et celle émise par la planète sous forme de rayons infrarouges.
Lorsque l'armée de l'air américaine (USAAF) a rejoint les forces Alliées en 1943, la flotte aérienne militaire basée en Angleterre occidentale, dans les Midlands et à l'ouest de l'Angleterre s'est trouvée décuplée. Dans les années 1940, l'aviation civile était embryonnaire, de sorte que les raids de l'USAAF ont donné lieu à un contraste saisissant entre les zones de fort trafic aérien et celles où il était quasiment nul.
Malgré la croissance annuelle mondiale de l'aéronautique civile de 3 à 5% (7 % pour le fret aérien), nous ne disposons que de peu de données quantifiables sur l'impact de l'AIC sur le climat. En septembre 2001, les vols commerciaux ont été suspendus au-dessus du territoire Etats Unien suite aux attentats terroristes. Les scientifiques ont alors disposé d'une occasion unique pour étudier les effets de la condensation aéronautique dans un ciel habituellement très chargé de trafic. Les résultats des études du 9 septembre 2001 sont sujets à controverse. Cependant, le professeur MacKenzie et ses collègues ont identifié une opportunité d'étudier l'impact négatif de la condensation due aux aéronefs sur le ciel normalement vide des années 1940. Ils ont montré qu'il était possible de reconstituer les effets de la condensation induite par les avions à partir des observations météo de surface, tout en restant prudents sur les conclusions que l'on pouvait en tirer.
Le protocole de recherche est basé sur la collecte minutieuse des bulletins météo de l'époque, au niveau des stations météo et des archives militaires. Du fait de l'importance cruciale des conditions météo pour le bon déroulement des missions de bombardement, la 2ème Guerre mondiale est l'une des périodes d'observation météo les plus intenses de l'histoire ; naturellement toutes ces données ne sont pas archivées au format électronique.
Pour mieux distinguer les effets imputables à l'aviation, l'équipe s'est concentrée sur les raids aériens les plus importants (laissant de côté une multitude de sorties effectuées entre 1943 et 1945). Elle a ainsi sélectionné les raids auxquels participaient au moins 1000 appareils, raids suivis de plusieurs jours sans raids et pour lesquelles les conditions météo étaient similaires, et donc susceptibles de servir de base de comparaison. Des 20 plus gros raids aériens ainsi sélectionnés, l'un d'eux, celui du 11 mai 1944, apparaît comme la meilleure étude de cas.
Ainsi, l'équipe a-t-elle trouvé que le 11 mai au matin, 1444 appareils ont décollé des aérodromes du sud-est de l'Angleterre dans un ciel clair et peu nuageux. Malgré cela, la condensation issue des avions a substantiellement bloqué le réchauffement de température ce matin-là sur toute la zone de trafic aérien intense.
"Il s'agit d'une preuve irréfutable de ce que les bombardements aériens de la 2ème Guerre Mondiale peuvent nous aider à mieux comprendre les processus qui affectent le climat actuel," conclut le Professeur MacKenzie. "Quand on étudie une époque où l'aviation était presque exclusivement un phénomène de sorties militaires massives, il est plus facile de séparer les facteurs liés aux avions de tous les autres ayant un impact possible sur le climat."

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire