L'anomalie de la fonte journalière de l'année 2011 par rapport à la période 1979-2010, à savoir le nombre de jours de fonte en 2011 auquel est soustraite la moyenne de jours de fonte sur la période 1979-2010. © Tedesco et al. 2011 |
De nouvelles observations des glaces du Groenland viennent confirmer une tendance : la fonte s'accélère. Les causes ? Une multitude de facteurs formant un cycle irréversible, comme nous l'expliquent Valérie Masson-Delmotte, de l’Institut Pierre Simon Laplace, et Hubert Gallée, du Laboratoire de glaciologie et géophysique de l’environnement.
Un récent rapport fondé sur les observations de la fonte des glaces au Groenland vient confirmer une tendance déjà fortement soupçonnée : cette fonte s’accélère. « Depuis le milieu des années 1990, on observe un gros réchauffement qui s’est effectué très brutalement, commente ainsi Valérie Masson-Delmotte, chercheuse à l’Institut Pierre Simon Laplace. Et la période 2000-2010 sort du lot » insiste-t-elle.
Pour arriver à cette conclusion, une équipe de chercheurs, emmenée par Marco Tedesco (City College de New York) et Xavier Fettweis (université de Liège), a analysé l’évolution des glaces du Groenland grâce à deux outils.
Deux outils pour mesurer la fonte des glaces
D’abord un outil d’observation qui repose sur la réception de micro-ondes par un satellite. Ces ondes électromagnétiques sont émises par les champs de neige. « Les propriétés des ondes qui sont reçues changent lorsque le manteau neigeux contient de l'eau liquide, explique Hubert Gallée, chercheur au Laboratoire de glaciologie et géophysique de l’environnement de Grenoble, contacté par Futura-Sciences. Cependant, il y a un petit souci avec ce système puisque ces ondes sont également absorbées par les gouttes de pluie tombant dans l'air. » Il faut donc un autre système pour limiter ce biais.
Un outil complémentaire permet de représenter la concentration des gouttes de pluie dans l'air et de se faire une bonne idée de l’état des glaces : la modélisation. MAR (modèle atmosphérique régional) a été développé par Hubert Gallée. « C’est un modèle météorologique qui permet de prévoir le temps en région polaire mais surtout de voir l’évolution de l'atmosphère et des champs de neige », décrit-il.
L’utilisation de cet outil permet d’une part de confirmer les résultats obtenus grâce à l’observation par micro-ondes, d'autre part son modèle de neige calcule le taux d’écoulement de l’eau, ce dont ne tiennent pas compte les données satellitaires.
Un cycle irréversible accélérant la fonte des glaces
Lorsque la neige ou la glace fond, l’eau qui en résulte s’écoule vers le bas. Si elle entre en contact avec une couche de neige plus profonde et plus froide, elle gèle à nouveau. Si ce n'est pas le cas, elle finira par s’écouler latéralement, le long des pentes pour in fine terminer sa course dans l’océan. En mesurant cet écoulement, on peut évaluer la quantité de glace qui est effectivement perdue.
Les chercheurs ont donc pu mesurer, pour l’année 2011, une fonte exceptionnelle, bien au-dessus de la moyenne de la période 1979-2010 et même proche des records. Pourtant, les températures n’étaient pas particulièrement élevées (le printemps 2011 était même plutôt froid). Elles l’étaient cependant en 2010.
Mécanisme cyclique de la fonte des glaces. Les conditions climatiques provoquent une augmentation de la température de la surface qui accélère la fonte et une diminution des précipitations de neige, ce qui expose davantage de glace non recouverte au soleil, entraînant une diminution de l'albédo et donc une fonte de la glace. Le cycle se répète ensuite. © Tedesco et al. 2011
Les scientifiques expliquent que, bien sûr, la température n’est pas l’unique facteur ayant une influence sur la fonte des glaces, mais qu’un ensemble d’éléments contribue également à ce phénomène, parmi lesquels l’écoulement de l’eau, les précipitations de neige, l’effet albédo, la vitesse du vent, etc. Tous ces facteurs interviennent dans la fonte de la glace du Groenland. Si bien que la glace peut fondre de façon abondante même si les températures de l'air ne sont pas exceptionnellement élevées.
Si le glacier observé par les auteurs de l’étude se situe à l’ouest du Groenland, une zone particulièrement touchée par la fonte des glaces, il semblerait néanmoins que ce principe soit applicable à tous les glaciers et que l’accélération de la fonte soit un phénomène généralisé. Et qui ne semble pas réversible. Peu rassurant.
Par Bruno Scala, Futura-Sciences
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